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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/440

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APPENDICE.

lui faiſoit éprouver à Reims. Sans reſpect de ſa dignité de chanoine, on l’obligeoit à monter la garde ſur les murs de la ville ; on le forçoit à vendre fon cheval ; on le chargeoit de lourdes taxes. C’eſt que le roi Philippe de Valois avoit alors ordonné à tous les hommes en état de porter les armes de rejoindre l’oſt qu’il avoit en Cambreſis, terre d’Empire. Les échevins de Reims envoyèrent un des leurs vers le Roi, campé ſous les murs d’Eſcaudœuvres près Cambrai,[1] pour lui repréſenter que la ville, conſtamment menacée d’un ſiége, ne pouvoit ſans danger reſter privée de ſes défenſeurs. Comme on n’avoit pas de cheval à fournir au meſſager, on jeta les yeux ſur celui du chanoine Guillaume de Machaut, & l’un des échevins chargé de faire le meſſage fournit pour l’acheter une ſomme de vingt-quatre livres en neuf doubles d’or, valant alors ſeulement quarante-huit ſous l’un, en raiſon de l’affoibliſſement des monnoies. Quand il fallut rembourſer la dette, la valeur du double d’or étoit remontée à cinquante ſous, comme le prouvent deux articles du Compte des dépenſes de la ville de Reims, année 1340 & ſuivantes : « Item, .xxiv. livres, pour un cheval acheté à Guillaume de Machau pour ce qu’on ne péuſt recouvrer de cheval à louier, pour porter la malle H. le Large, quant il fu en l’oſt devant Eſcandeure pour parler au Roi, pour le cri qui fu fait en ceſte ville, que chaſcuns alaſt en l’oſt. » (Archives adminiſt. de Reims, an. 1340, t. II. p. 833.)

— « Item, xviii ſ. pour frais de neuf doubles d’or à H. le Large qu’il preſta pour un cheval acheté à G. de Machaut & ne valoient li double d’or que .xlviii. ſols quant li dis Henris les preſta, & il couterent .l. ſ. quant il furent rendu. » (Ib., p. 834.)

M. Tarbé avoit publié cette épître en la rapportant aux années 1356–1358 ; mais avec tant de négligence qu’on nous ſaura gré d’en reproduire exactement ſur les manuſcrits la partie la plus intéreſſante :


À toy Henri, dous amis, me complains,
Pour ce que mais ne cueur ne mont ne plain,[2]
Car à pié ſui ſans cheval & ſans ſelle,
Et ſi, n’ai mais eſmeraude ne belle,[3]

  1. Voyez les Grandes Chroniques de Saint-Denis, année 1340, t. V, p. 382 de mon édition. Elles conſtatent l’arrivée du roi Philippe de Valois devant ce château & ajoutent beaucoup au récit de Froiſſart.
  2. Pour ce que je ne cours plus par monts ni plaines.
  3. Peut-être pour « pelle » ou perle.