Page:Machiavel - Oeuvres littéraires - trad Peries - notes Louandre - ed Charpentier 1884.djvu/341

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à la maison de Giov. Matteo del Bricca, l’un des laboureurs de Giovanni del Bene. Heureusement, il trouva Giov. Matteo qui revenait au logis pour donner à manger à ses bœufs : il se recommanda à lui, et promit, s’il se sauvait de ceux qui le poursuivaient pour le faire mourir en prison, de le rendre riche à jamais, et de lui en donner à son départ une marque si évidente, qu’il ne pourrait se refuser d’y croire ; lui permettant, s’il manquait à sa parole, de le livrer lui-même aux mains de ses ennemis. Quoique paysan, Giov. Matteo ne manquait pas de finesse : jugeant qu’il ne risquait rien, il promit de sauver Roderigo ; et, l’ayant fait monter sur un tas de fumier, il le recouvrit avec des roseaux et d’autres broussailles qu’il avait ramassés pour faire du feu.

À peine Roderigo avait-il fini de se cacher, que ceux qui le poursuivaient arrivèrent ; mais, quelques menaces qu’ils fissent à Giov. Matteo, ils ne purent arracher de lui l’aveu qu’il l’eut aperçu. Ils poussèrent donc plus loin ; et après avoir cherché vainement toute la journée et le lendemain, ils s’en revinrent à Florence, accablés de fatigue.

Cependant tout bruit ayant cessé, Giov. Matteo tira Roderigo de sa cachette, et le somma de tenir sa parole. « Frère, lui dit ce dernier, tu m’as rendu un bien grand service, et je veux à tout prix t’en témoigner ma reconnaissance ; et, pour que tu ne puisses douter de ma promesse, tu vas apprendre qui je suis. » Là, il lui fit connaître en détail la nature de son être, les conditions qui lui avaient été imposées à sa sortie de l’enfer, et la femme qu’il avait épousée. Il l’instruisit en outre de la manière dont il voulait l’enrichir. Voici en quoi elle consistait : lorsqu’il entendrait dire qu’une femme était possédée, il ne devait pas douter que ce ne fût lui qui l’obsédât ; et il lui promettait de ne sortir du corps de la possédée que lorsque lui, Giov. Matteo, viendrait l’en tirer ; ce qui lui fournirait le moyen de se faire payer comme il l’entendrait par les parents de la fille. Lorsqu’ils eurent convenu ainsi de leur fait, Belphégor disparut soudain.