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et de venir avec lui à la rencontre du duc. Oliverotto suivit son conseil et rejoignit bientôt le duc, qui, dès qu’il l’eut aperçu, l’appela près de lui. Oliverotto, l’ayant salué, se mit à le suivre comme les autres.

Lorsqu’ils furent entrés dans Sinigaglia, ils mirent tous pied à terre au logement du duc. Ce dernier, étant entré avec eux dans un appartement, les fit soudain saisir ; et montant aussitôt à cheval, il ordonna qu’on dévalisât les troupes d’Oliverotto et des Orsini. Celles du premier étant sur les lieux, elles furent toutes livrées au pillage ; mais, comme celles des Orsini et des Vitelli étaient plus éloignées, et qu’elles se doutaient du malheur de leurs chefs, elles eurent le temps de se réunir, et se rappelant le courage et la discipline dont la maison des Orsini et des Vitelli leur avait toujours donné l’exemple, elles serrèrent leurs rangs ; et, malgré les efforts des habitants du pays et des ennemis, elles parvinrent à se sauver. Les soldats du duc, peu satisfaits du pillage des troupes d’Oliverotto, commencèrent à saccager Sinigaglia ; et, si le duc n’avait réprimé leur avidité par la mort de plusieurs d’entre eux, la ville eût été totalement ravagée.

Mais quand la nuit fut arrivée, et les tumultes apaisés, le duc crut qu’il était temps de se défaire de Vitellozzo et d’Oliverotto. Les ayant fait conduire tous deux ensemble dans le même lieu, ils furent étranglés. Tous deux en expirant ne proférèrent aucune parole digne de leur vie passée ; car Vitellozzo le conjura d’implorer du pape une indulgence plénière pour tous ses péchés. Oliverotto rejeta en pleurant sur Vitellozzo toute la faute des outrages dont se plaignait le duc. Pagolo et le duc de Gravina Orsini furent laissés en vie jusqu’à ce que le duc eût appris que le pape avait fait arrêter dans Rome le cardinal Orsini, l’archevêque de Florence, et messer Jacopo da Santa Croce. Après avoir reçu cette nouvelle, il les fit étrangler de la même manière, à Castel-della-Pieve, le 18 janvier 1503[1].

  1. Ou 1503 suivant la manière de compter des Florentins, dont l’année ne commençait qu’au 25 mars.