Page:Macrobe (Œuvres complètes), Varron (De la langue latine) Pomponius Méla (Œuvres complètes), avec la traduction en français, 1863.djvu/241

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tu? Qu'apporté je sur la scène? est-ce la beauté, ou la dignité du corps? l'énergie de l'âme, ou le son gracieux de la voix? De même que le lierre épuise les forces de l'arbre autour duquel il serpente, de même la vieillesse m'énerve, en m'entourant de ses étreintes annuelles; et, semblable au tombeau, il ne reste plus de moi qu'un nom. »

Dans cette même pièce Labérius se vengeai comme il le pouvait, dans le rôle d'un Syrien battu de verges, sous le masque duquel il s'écriait

Porro Quirites! libertatem perdimus

« Désormais, Romains, nous avons perdu la liberté ! »

Et il ajoutait peu après

Necesse est multos timeat quem multi timent.

« Il faut qu'il craigne beaucoup de gens, celui que beaucoup de gens craignent. »

A ces derniers mots, tout le peuple fixa les yeux sur César, et se complut à le voir dans l'impuissance derepousser ce trait qui le frappait. Cette circonstance fut cause que le dictateur transporta ses faveurs à Publius.

Ce Publius, Syrien de nation, ayant été présenté adolescent au patron de son maître, s'attira ses bonnes grâces, non moins par sa beauté que par les agréments de son esprit. Ce dernier, apercevant un de ses esclaves hydropique qui était couché par terre, et lui reprochant ce qu'il faisait au soleil :

Aquam calefacit

« Il fait chauffer son eau, »

repartit Publius. Pendant le souper, on agita en plaisantant la question de savoir quel genre de repos était le plus déplaisant: les opinions étaient partagées :

Podagrici pedes

« C'est celui des pieds goutteux, » dit Publius.

A cause de ces traits et de plusieurs autres, il fut affranchi, et instruit avec beaucoup de soin. Ayant composé des mimes qui obtinrent de grands succès dans les villes d'Italie, il parut à Rome durant des jeux que César y donna, et défia tous ceux qui, à cette époque, exposaient leurs ouvrages sur la scène, à concourir avec lui sur pu sujet donné, et pendant un espace de temps déterminé. Il vainquit tous ceux qui se présentèrent; de ce nombre fut Labérius, ce qui fit dire à César, en souriant :

Favente tibi me victus es, Laberi, a Syro

« Malgré ma protection, Labérius, tu es vaincu par Syrus. »

Aussitôt il donna une palme à Publius, et à Labérius un anneau d'or avec cinq cent mille sesterces. Comme ce dernier se retirait, Publius lui dit:

Quicum contendisti scriptor, hunc spectator subleva.

« Sois favorable, comme spectateur, à celui que tu as combattu comme écrivain. »

Et Labérius, à la première représentation théâtrale qui eut lieu, fit entrer les vers suivants dans un de ses mimes:

Non possunt primi esse omnes omni in tempore.

Summum ad gradum cum claritatis veneris,

Consistes aegre, *ne me citius decidas.

Cecidi ego, cadet qui sequitur: laus est publica.

« On ne peut pas toujours occuper le premier rang. Lorsque tu seras parvenu au dernier degré de l'illustration, tu t'arrêteras avec douleur; et tu tomberas, avant d'avoir songé à descendre. Je suis tombé; celui qui me succède tombera aussi : la gloire est une propriété publique. »

Quant à Publius, on connaît de lui des sentences ingénieuses, et d'une application très fréquente; je ne me souviens que de celles-ci, renfermées chacune dans un seul vers

Beneficium dando accepit qui digno dedit.

Feras, non culpes, quod mutari non potest.

Cui plus licet quam par est plus vult quam licet.

Comes facundus in via pro vehiculo est.

Frugalitas miseria est rumoris boni.

Heredis fletus sub persona risus est.

Furor fit laesa saepius patientia.

Inprobe Neptunum accusat qui iterum naufragium facit.

Nimium altercando veritas amittitur.

Pars beneficii est, quod petitur si cito neges.

Ita amicum habeas, posse ut fieri hunc inimicum putes.

Veterem ferendo iniuriam invites novam.

Numquam periclum sine periclo vincitur.

« C'est un méchant avis, celui dont on ne peut changer. »

« Celui qui donne à qui en est digne, reçoit un bienfait en donnant. »

« Au lieu de récriminer, supporte ce qui ne peut être changé. »

« Celui à qui on permet plus qu'il n'est raisonnable, veut plus qu'on ne lui permet. »

« Un compagnon de voyage, d'une conversation agréable, tient lieu de véhicule en chemin. »

« La frugalité est la broderie d'une bonne réputation. »