Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/136

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pas en son cœur ce mariage, ny selon la religion, ny selon l’Estat ; et ce nonobstant voioit la Royne s’y affectionner[1] peu à peu qui luy faisoit cest honneur de luy en parler avec quelque confiance. Il jugea donq qu’il valoit mieux s’en eslongner et passer en Flandres où il se présenteroit occasion de faire plus pour le service de son maistre. Il prit donq congé de la Royne, en la ville de Norwich, soubz ombre d’aucuns affaires qu’il avoit pour les biens du dit sr Roy, situez ès Pays bas, et fust congédié de la Royne avec honnestes présens, mais surtout avec insignes témoignages de confiance, lui donnant un chiffre pour entretenir communication des choses plus secrètes. Et cependant me laissa avec nos enfans à Londres, jusqu’à ce qu’il eust reconnu la seureté et commodité des lieux où il alloit. Dieu eut, comme plusieurs autres fois, un soin insigne de luy en ce voiage, car s’estant résolu de passer en un vaisseau où estoit son équippage, de Gravesande à Flessingue, il s’escheut que le vent estant contraire, il piqua jusques à Douvre, et à force de louier[2] traversa à Dunkerke. Et le vaisseau au contraire où estoit son équipage, le maistre pour un petit gain ayant receu trente soldatz qui feignoient vouloir aller à Flessinghere, fut pillé par eux en pleine mer, l’ayant détourné à autre route et saisy tant les passagers que l’équipage. En ce pillage, M. du Plessis fit naufrage

  1. Tout porte à croire que la Reine Elisabeth ne songea jamais sérieusement à épouser le duc d’Alençon, pas plus qu’elle n’avait voulu épouser son frère le duc d’Anjou, depuis Henri III, ni aucun de ses nombreux prétendants.
  2. Louvoyer.