Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/160

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La Royne[1] de Navarre marchandoit à revenir trouver le Roy son mary, et le Roy Henry IIIe son frère ne prenoit pas plaisir à la voir en sa court, et avoit suspectes ses remises. Les choses passèrent enfin sy avant qu’il la congédia assés rudement, et à deux lieues de Paris fit visiter ses coches et prendre la Dame de Duraz et de ses damoyselles prisonnières qui furent depuis interrogées en l’abbaye de Ferrières, mesmes contre sa réputation. Le Roy de Navarre en seeut la nouvelle à Nérac, et luy estoit dur de recevoir sa femme, après un tel affront receu en la face de tout le monde. Sur quoy, il se résolut d’envoyer vers le Roy, comme vers le chef de la famille, qu’il s’assuroit qu’il ne l’auroit pas voulu déshonorer que pour une faute en l’honneur ; sy elle l’avoit faicte, qu’il luy en fist justice, sy non, qu’il la luy fist des autheurs d’une telle injure. M. du Plessis fut pour cest effect trouver le Roy à Lyon, et ceste ambassade estoit fort espineuse, y allant d’un frère et d’une seur, d’un mary et d’une femme en choses sy chatouilleuses. Touteffois le Roy de Navarre en receut contentement, et le Roy ne s’offensa de chose qu’il luy dist, encor qu’il luy parlast fort librement. Les discours en sont au long dans ses mémoires, et y eut plusieurs allées et venues sur ce subject. Le Roy prit opinion, après les propos de sa charge, de luy parler de sa Religion, dont il luy respondit avec beaucoup de franchise, que s’il eust creu sa chair, il eust aymé son plaisir et son repos, et s’il eust suivy son esprit, eust couru après l’honneur et les

  1. Marguerite de France, sœur de Henri III.