Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/19

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assistance de sa bonté quand vous vous résouldrez de le servir de tout votre cœur. Je suis maladive et ce m’est de quoy penser que Dieu ne me veille laisser long-temps en ce monde ; vous garderés cest escrit en mémoyre de moy ; venant aussy, quand Dieu le voudra, à vous faillir, je désire que vous acheviez ce que j’ai commencé à escrire du cours de nostre vie. Mais surtout, mon Filz, je croiray que vous vous souviendrez de moy quand j’oiray dire, en quelque lieu que vous aillez, que vous servez Dieu, et ensuivez vostre Père ; j’entreray contente au sépulchre, à quelque heure que Dieu m’appelle, quand je vous verray sur les erres d’avancer son honneur, en un train assuré, soit de seconder vostre père en ses saints labeurs, tant que Dieu vous le conservera (et je le supplie que ce soit longues années pour servir à sa gloire, et à vous de guide par les sentiers du monde,) soit de le faire revivre en vous, quand, par sa grâce, il le vous fera survivre. Je vous recommande, au reste, vos sœurs ; monstrez, en les bien aymant, que vous aymez et aurés aymé vostre mère. Pensés mesme, tout jeune que vous estes, Dieu nous retirant d’icy, que vous leur devés estre Père ; et je prie Dieu, mon Filz, qu’il vous doint à tous vivre en sa crainte, et en vraye amytié l’un envers l’autre, et en ceste assurance vous donne ma bénédiction, et le supplie de tout mon cœur qu’il la bénie en Jésus Christ son Filz et qui vous communique son Saint Esprit. Escrit à Saumur, ce 25 apvril 1595.

Vostre bien bonne mère,
Charlotte Arbaleste.