Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/248

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France qui peust tenir l’Hespagne en contrepoix, laquelle, s’accroissant de la France, emportoit infailliblement tous les autres Estatz de sa pesanteur seule. Mesmes, la dissipant en petitz estatz, obtenoit le mesme effect, parce que ceste couronne dispersée ne retiendroit plus son authorité, ny sa dignité, non plus qu’un diamant son prix et sa valeur, quand il est mis en pièces ; que tous ces Princes donq deviendroient tributaires, le Pape chapellain, les cardinaux clerz de chapelle du Roy d’Hespagne. Seroit à craindre d’autre costé, le Roy et les Seigneurs francois se voyans désespérés par le Pape, qu’ilz ne prissent un train qui luy seroit très périlleux. Comme de faict que, par avoir violenté Luther, on auroit observé que ses prédécesseurs avoient perdu l’Allemaigne, et par s’estre aheurtéz contre le Roy Henry[1] avoient éclipsé l’Angleterre. Qu’ainsy par vouloir intempéramment user de leurs anathèmes contre les Françoys, ilz pourroient assez tost perdre la France, chose qu’on voyoit désjà en beau chemin, veu que les courtz de Parlement avoient défendu d’envoier à Rome, et brullé les bulles du Pape, et dressé un[2] règlement par lequel on pouvoit pourvoir à tous bénéfices sans aller à Rome, dont on seroit tout esbahy que le peuple ne tiendroit plus conte, quand il auroit veu

  1. Henri VIII, au sujet de son divorce avec Catherine d’Aragon.
  2. On avait proposé dans le parlement de Tours de créer un patriarche. Henri IV s’y opposa. Les évêques dressèrent un règlement qui fut observé jusqu’à la paix, obligeant les métropolitains à sacrer les suffragants qu’on leur donnerait, et autorisant les évêques à expédier dans leurs diocèses les bulles des bénéfices comme à accorder les dispenses, jusqu’alors réservées à Rome.