Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/271

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peut estre eust aydé à ses affaires ; au contraire, l’avoit chargé d’asseurer le Roy qu’elle n’estoit en rien engagée, et feroit tout sa volonté ; seulement, comme elle protestoit de n’espouser personne contre le gré du Roy, que le Roy luy accordast de ne la marier à aucun contre le sien ; ce qu’aussy elle avoit escript à M. du Plessis par plusieurs lettres, et à moy mesmes pour le luy faire entendre. Nonobstant, il ne laissa de dire au Roy, selon sa fidélité, qu’il oyoit des souspirs qui luy faisoient craindre quelque chose de plus que cela. Or, S. M. vint à Tours, de là à Saumur, et l’entreveue et le séjour se passèrent doucement, au milieu d’une grand noblesse, et sans approfondir ce propos. Mais comme il l’eut menée à Tours, il se changea à coup ; car Madame, se voyant poursuivie de mariage par monseigneur de Montpensier[1] du gré du Roy, luy déclara (ce que monsieur du Plessis avoit tousjours craint et prédit au Roy,) qu’elle avoit donné une promesse à monseigneur le conte de Soissons qui luy bridoit la conscience. Ce que peu après ayant confessé au Roy, en entrèrent en durs propos et en sortit de chaudes larmes. Le Roy donq la mena avec soy à Mantes, suivy de monseigneur de Montpensier entretenu de cest espoir, pendant que S. M. travailloit à retirer la ditte promesse afin que toutes choses se fissent sans scrupule. Et sentismes la bénédiction de Dieu en ce qu’il luy plust nous faire partir de ceste entreveue au contentement du Roy et de Madame, meslés bien avant dans leurs af-

  1. François de Bourbon, duc de Montpensier, né en 1539, mourut en 1592. Il avait été des premiers à reconnaître Henri IV.