Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/35

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peste à Paris, et qu’en ceste maison là mesmes il y estoit mort de peste deux des escholiers, le dit Prébet fit prendre médecine à monsieur du Plessis, qui l’avoit fort affoibli, nonobstant laquelle il ne laissa de partir le lendemain, de Paris, où l’on gardoit, à cause des troubles, les portes. Il avoit serré un catéchisme grec entre son pourpoint et ses espaules. Estant à la porte Saint-Honoré, comme on les interrogeoit, passa ce qu’ilz appellent le Corpus Domini, que l’on portoit à un malade ; il s’en eschappa, passant oultre le plus habilement qu’il luy fut possible, et, sans que le dit Crespin qui estoit avec luy, estant papiste, se meit à l’adorer, il luy eust esté malaizé d’en sortir sans danger, car chacun sait combien lors il y faisoit dangereux, et que pour moindre suspition, au cry du moindre d’une populace, on tuoit hommes et femmes à Paris. Ainsi il arriva à Buhy, où tost après il tomba malade extrêmement d’une pleurésie, au sortir de laquelle il fut menacé d’estre eticque, et étoit lors aâgé de treize ans. Les médecins qui le pansèrent jugeoient que cela procédoit du travail prins après ceste grande purgation, et qu’il s’estoit eschauffé le sang ; cela luy dura environ troys mois et durant icelle maladie, madamoyselle sa mère fut contraincte, à l’occasion des troubles, de s’en aller hors de sa maison, et se retira chez madamoyselle de Montagny, sa tante paternelle, à une lieue de là, avec ses six enfans qui vivoient encorres, dont les quattre estoient malades, et ses deux nepveux, enfans de monsieur de Bourry aussy. Elle les mena tous, prenant avec elle dans son chariot Philippes de Mornay et Anne de Mornay, sa sœur, qui estoient en plus