Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/66

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enfance, appeller par son nom Feuquères, l’appelloit Frigallet. Estant fort jeune, il eut une compaignie de chevaux-légers, et fut gouverneur de Roye, place frontière de Picardie. Madame du Peron, le voyant fort aymé de ses maistres et bien vouleu de tous à la court, le fit prier de donner sa cornette de chevaux-légers à son filz, aujourd’huy duc de Retz et maréschal de France. Monsieur de Feuquères fut quelque temps aux guerres de Picardie, près monsr l’Amiral, et, nonobstant son jeune aâge, fut des lors un des mareschaux de camp. Là, il ouyt souvent un cordelier qui soubs son habit preschoit la vérité, et dès lors y print guout, et commencea à congnoistre les abus de l’Eglise Romaine. Depuis, fut en Italie avec monsr de Guise, auquel voyage les sieurs François qui l’accompagnoient firent hommage au Pape et luy baisèrent la pantoufle. Remarqua aussy que, pour peu d’argent que l’on bailloit au Pape, on estoit libre de manger de la viande en Caresme et autres jours déffendus, et qu’ailleurs partout, par l’authorité du Pape, on brusloit ung homme pour avoir mangé ung œuf. Cela lui donna de grands débatz en sa conscience pour l’envie qu’il avoit de s’instruyre à cercher la vérité ; et d’autre part, il se voïoit avancé en une court, et sur le point de recevoir des biens et honneurs lesquelz il ne pouvoit avoir ny espérer s’il faisoit proffession de la vérité, mais, bien au contraire, estre banny de France où les feuz estoient allumez. Je luy ay ouy souvent dire que, sur ces difficultez et sur le choix qu’il devoit faire des deux, il en avoit esté malade : enfin avoit rézolu, sur la lecture du Pseaume deuxiesme, d’oublier toutes considérations,