Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui estoit envoyé de par madame la Présidente Tambonneau pour savoir que je deviendrois, estant en peine de ce qu’elle avoit seu que j’avoy esté arrestée. Il me fit signe que je ne fisse semblant de le congnoistre ; mais c’estoit luy qui m’avoit fait les messages que ma mère m’avoit envoyés, et qui m’avoit aussy arresté place au bateau, qui fut cause qu’il fut recongneu par ces femmes avec qui j’estoy, et ayant trouvé moyen de luy dire sans qu’ilz s’en apperçussent, entra où nous estions et me dit que ma maitresse l’avoit envoyé pour faire vandanges. A soupper, il s’assit à table, faisant bonne mine, m’appelant par mon nom Charlotte pour luy donner à boire ; ainsy leur leva tout le soupçon qu’ilz avoient eu de moy. Il n’y avoit qu’une chambre en ceste hostellerie là où il y avoit troys litz, où ces deux moynes et ce prestre couchèrent en l’ung, les deux marchants en l’autre, les deux femmes et moy au troisiesme. Je ne fus pas sans pene ; j’avois une chemise de toile de Hollande, accommodée de point couppé que m’avoit prestée madame la Présidente Tambonneau. Je craingnois fort qu’estant couchée entre ces deux femmes, elle ne me fist recongnoistre pour autre que je n’estois habillée. Le jeudy matin, comme nous entrasmes au bateau, le dit Minier n’y voulut entrer disant tout haut qu’il avoit accoutumé de s’y trouver mal. Mais il me dit tout bas que je me donnasse garde d’aller à Corbeil ny à Melung dont nous estions Seigneurs, craingnant que je n’y fusse congneue et que je courusse danger, mais que je me souvinsse de descendre au village d’Yuri à une petite lieue de Corbeil. Comme je véy le village, je de-