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Page:Maeterlinck-L'oiseau bleu-1909.djvu/152

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arriverez trop tard et vous ne naîtrez plus… Allons, vite, embarquons !… (Saisissant un enfant qui veut lui passer entre les jambes pour gagner le quai.) Ah ! toi, non, par exemple !… C’est la troisième fois que tu essayes de naître avant ton tour… Que je ne t’y prenne plus, sinon ce sera l’attente éternelle près de ma sœur l’Éternité ; et tu sais qu’on ne s’y amuse pas… Mais voyons, sommes-nous prêts ?… Tout le monde est à son poste ?… (Parcourant du regard les enfants réunis sur le quai ou déjà assis dans la galère.) Il en manque encore un… Il a beau se cacher, je le vois dans la foule… On ne me trompe pas… Allons, toi, le petit qu’on appelle l’Amoureux, dis adieu à ta belle…

(Les deux petits qu’on appelle « les Amoureux », tendrement enlacés et le visage livide de désespoir, s’avancent vers le Temps et s’agenouillent à ses pieds.)
PREMIER ENFANT

Monsieur le Temps, laissez-moi partir avec lui !…

DEUXIÈME ENFANT

Monsieur le Temps, laissez-moi rester avec elle !…

LE TEMPS

Impossible !… Il ne nous reste plus que trois cent quatre-vingt-quatorze secondes…

PREMIER ENFANT

J’aime mieux ne pas naître !…

LE TEMPS

On n’a pas le choix…