Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tée. À mesure qu’on les cultive, on apprend à ignorer davantage les profondeurs de leur existence réelle, mais c’est une façon d’ignorer déjà meilleure que l’ignorance inconsciente et satisfaite qui fait le fond de notre science de la vie ; et c’est probablement tout ce que l’homme peut se flatter d’apprendre en ce monde.

Existait-il un travail analogue sur l’abeille ? Pour moi, bien que je croie avoir lu à peu près tout ce qu’on a écrit sur elle, je ne connais guère dans ce genre que le chapitre que lui réserve Michelet à la fin de l’Insecte, et l’essai que lui consacre Ludwig Büchner, le célèbre auteur de Force et Matière, dans son Geistes Leben der Thiere[1]. Michelet a à peine effleuré le sujet ; quant à Büchner, son étude est assez complète, mais, à lire les affirmations hasardeuses, les traits légendaires, les on-dit dès longtemps rejetés qu’il rapporte, je le soupçonne de n’être pas sorti de sa bibliothèque pour interroger ses héroïnes, et de n’avoir jamais ouvert une seule des centaines de ruches bruissantes et comme enflammées d’ailes qu’il faut violer avant que notre instinct s’accorde à leur secret, avant

  1. On pourrait citer encore la monographie de Kirby et Spence dans leur Introduction to Entomology, mais elle est presque exclusivement technique.