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Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/166

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prend son temps, ne s’émeut guère, tout à sa mission qui paraît être pour elle une volupté amoureuse plutôt qu’un travail. Enfin au bout de quelques secondes, elle se redresse avec calme, se déplace d’un pas, fait un quart de tour sur elle-même, et, avant d’y introduire la pointe de son ventre, plonge la tête dans la cellule voisine afin de s’assurer que tout y est en ordre, et qu’elle ne pond pas deux fois dans le même alvéole, tandis que deux ou trois abeilles de l’escorte empressée culbutent successivement dans la cellule abandonnée, pour voir si l’œuvre est accomplie, et entourer de leurs soins ou mettre en bonne place le petit œuf bleuâtre qu’elle vient d’y déposer. À partir de ce moment jusqu’aux premiers froids de l’automne, elle ne s’arrête plus, pondant pendant qu’on la nourrit et dormant — si tant est qu’elle dorme — en pondant. Elle représente dès lors la puissance dévorante de l’avenir qui envahit tous les coins du royaume. Elle suit pas à pas les malheureuses ouvrières qui s’épuisent à construire les berceaux que sa fécondité réclame. On assiste ainsi à un concours de deux instincts puissants dont les péripéties éclairent pour les montrer, sinon pour les résoudre, plusieurs énigmes de la ruche.