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Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/196

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cles de leurs cellules. Un grand désordre menace la république. Mais le génie de la ruche, en prenant sa décision en a prévu toutes les conséquences, et les gardiennes bien instruites savent heure par heure ce qu’il faut faire pour parer aux surprises d’un instinct contrarié et pour mener au but deux forces opposées. Elles n’ignorent point que si les jeunes reines qui demandent à naître parvenaient à s’échapper, elles tomberaient aux mains de leur aînée déjà invincible, qui les détruirait une à une. Aussi, à mesure qu’une des emmurées amincit intérieurement les portes de sa tour, elles les recouvrent en dehors d’une nouvelle couche de cire, et l’impatiente s’acharne à son travail sans se douter qu’elle ronge un obstacle enchanté qui renaît de sa ruine. Elle entend en même temps les provocations de sa rivale, et, connaissant sa destinée et son devoir royal avant même qu’elle ait pu jeter un regard sur la vie et savoir ce que c’est qu’une ruche, elle y répond héroïquement du fond de sa prison. Mais comme son cri doit percer les parois d’une tombe, il est très différent, étouffé, caverneux, et l’éleveur d’abeilles qui s’en vient vers le soir, lorsque les bruits se couchent dans la campagne, et que s’élève le silence des étoiles, inter-