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Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/238

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gouttes d’eau qui obéissent aussi à des lois invincibles, il faut qu’elle prenne des mesures pour que cet accouplement soit aussi bref que possible. Il l’est, grâce à la mort foudroyante du mâle. Une étreinte y suffit, et la suite de l’hymen s’accomplit aux flancs mêmes de l’épouse.

Celle-ci, des hauteurs bleuissantes, redescend à la ruche tandis que frémissent derrière elle, comme des oriflammes, les entrailles déroulées de l’amant. Quelques apidologues prétendent qu’à ce retour gros de promesses, les ouvrières manifestent une grande joie. Büchner, entre autres, en trace un tableau détaillé. J’ai guetté bien des fois ces rentrées nuptiales et j’avoue n’avoir guère constaté d’agitation insolite, hors les cas où il s’agissait d’une jeune reine sortie à la tête d’un essaim et qui représentait l’unique espoir d’une cité récemment fondée et encore déserte. Alors toutes les travailleuses sont affolées et se précipitent à sa rencontre. Mais pour l’ordinaire, et bien que le danger que court l’avenir de la cité soit souvent aussi grand, il semble qu’elles l’oublient. Elles ont tout prévu jusqu’au moment où elles permirent le massacre des reines rivales. Mais arrivé là, leur instinct s’arrête ; il y a comme un trou dans leur pru-