Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/264

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adoucis par la souffrance, ne reflètent plus que la détresse et l’angoisse de la fin. Les uns succombent à leurs blessures et sont immédiatement emportés par deux ou trois de leurs bourreaux aux cimetières lointains. D’autres, moins atteints, parviennent à se réfugier dans un coin où ils s’entassent et où une garde inexorable les bloque jusqu’à ce qu’ils y meurent de misère. Beaucoup réussissent à gagner la porte et à s’échapper dans l’espace en entraînant leurs adversaires, mais, vers le soir, pressés par la faim et le froid, ils reviennent en foule à l’entrée de la ruche implorer un abri. Ils y rencontrent une autre garde inflexible. Le lendemain, à leur première sortie, les ouvrières déblayent le seuil où s’amoncellent les cadavres des géants inutiles, et le souvenir de la race oisive s’éteint dans la cité jusqu’au printemps suivant.

III

Souvent le massacre a lieu le même jour dans un grand nombre de colonies du rucher. Les plus riches, les mieux gouvernées, en donnent le signal. Quelques jours après, les