Page:Maeterlinck - La Vie des abeilles.djvu/77

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mystère autour duquel on ne peut faire que des conjectures plus ou moins agréables, plus ou moins ingénieuses. Mais si nous parlions des hommes, comme il serait peut-être sage de parler des abeilles, aurions-nous le droit d’en dire beaucoup davantage ? Nous aussi nous n’obéissons qu’aux nécessités, à l’attrait du plaisir ou à l’horreur de la souffrance, et ce que nous appelons notre intelligence a la même origine et la même mission que ce que nous appelons instinct chez les animaux. Nous accomplissons certains actes, dont nous croyons connaître les effets, nous en subissons, dont nous nous flattons de pénétrer les causes mieux qu’ils ne font ; mais outre que cette supposition ne repose sur rien d’inébranlable, ces actes sont minimes et rares, comparés à la foule énorme des autres, et tous, les mieux connus et les plus ignorés, les plus petits et les plus grandioses, les plus proches et les plus éloignés, s’accomplissent dans une nuit profonde où il est probable que nous sommes à peu près aussi aveugles que nous supposons que le sont les abeilles.