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Page:Maeterlinck - Pelléas et Mélisande, 1907.djvu/64

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GOLAUD, la repoussant.

Je ne veux pas que tu me touches, entends-tu ? Va-t’en, va-t’en ! — Je ne te parle pas. — Où est mon épée ? — Je venais chercher mon épée…

MÉLISANDE.

Ici ; sur le prie-Dieu.

GOLAUD.

Apporte-la. — À Arkël. On vient encore de trouver un paysan mort de faim, le long de la mer. On dirait qu’ils tiennent tous à mourir sous nos yeux. — À Mélisande. Eh bien, mon épée ? — Pourquoi tremblez-vous ainsi ? — Je ne vais pas vous tuer. Je voulais simplement examiner la lame. Je n’emploie pas l’épée à ces usages. Pourquoi m’examinez-vous comme un pauvre ? — Je ne viens pas vous demander l’aumône. Vous espérez voir quelque chose dans mes yeux, sans que je voie quelque chose dans les vôtres ? — Croyez-vous que je sache quelque chose ? — À Arkël. Voyez-vous ces grands yeux ? — On dirait qu’ils sont fiers d’être riches…

ARKËL.

Je n’y vois qu’une grande innocence…

GOLAUD.

Une grande innocence !… Ils sont plus grands que l’innocence !… Ils sont plus purs que les yeux d’un agneau… Ils donneraient à Dieu des leçons