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Page:Maeterlinck - Pelléas et Mélisande, 1907.djvu/72

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PELLÉAS.

Oh ! Qu’as-tu dit, Mélisande ! Je ne l’ai presque pas entendu !… On a brisé la glace avec des fers rougis !… Tu dis cela d’une voix qui vient du bout du monde !… Je ne t’ai presque pas entendue… Tu m’aimes ? — Tu m’aimes aussi ?… Depuis quand m’aimes-tu ?

MÉLISANDE.

Depuis toujours… Depuis que je t’ai vu…

PELLÉAS.

Oh ! comme tu dis cela !… On dirait que ta voix a passé sur la mer au printemps !… je ne l’ai jamais entendue jusqu’ici… on dirait qu’il a plu sur mon cœur ! Tu dis cela si franchement !… Comme un ange qu’on interroge !… Je ne puis pas le croire, Mélisande !… Pourquoi m’aimerais-tu ? — Mais pourquoi m’aimes-tu ! — Est-ce vrai ce que tu dis ? — Tu ne me trompes pas ? — Tu ne mens pas un peu, pour me faire sourire ?…

MÉLISANDE.

Non ; je ne mens jamais ; je ne mens qu’à ton frère…

PELLÉAS.

Oh ! comme tu dis cela !… Ta voix ! ta voix… Elle est plus fraîche et plus franche que l’eau !… On dirait de l’eau pure sur mes lèvres !… On dirait de l’eau pure sur mes mains… Donne-moi,