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Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIII, 1901.pdf/302

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EN FINLANDE

purent être témoins de la lutte, qui fut courte, mais non sans danger. Les guerriers y déployèrent un grand courage. Employant les épieux et les hachettes de préférence aux arcs et aux sagaies, ils foncèrent avec une ardeur qui égalait la fureur des assaillants. Ils les attaquèrent corps à corps, les frappant à la tête à coups de hache, leur trouant les flancs de leurs épieux. Bref, après une heure de combat, ils parvinrent à les mettre en fuite, et des ruisseaux de sang se mêlèrent aux eaux de la petite rivière.

Max Huber avait bien eu la pensée de prendre part à la bataille. Rapporter sa carabine et celle de John Cort, les décharger sur la bande du haut des arbres, accabler d’une grêle de balles ces potamochères, à l’extrême surprise des Wagddis, ce n’eût été ni long ni difficile. Mais le sage John Cort, appuyé du foreloper, calma son bouillant ami.

« Non, lui dit-il, réservons-nous d’intervenir dans des circonstances plus décisives… Quand on dispose de la foudre, mon cher Max…

— Vous avez raison, John, il ne faut foudroyer qu’au bon moment. Et, puisqu’il n’est pas encore temps de tonner, remisons notre tonnerre ! »

mm(La suite prochainement.)
Jules Verne.mm

EN FINLANDE

(SOUVENIRS D’UNE JEUNE FILLE)

IX


L’année scolaire touchait à sa fin. Le quatuor commençait à se désoler, car les vacances allaient nous séparer. Mes parents désiraient me ravoir auprès d’eux et la « rentrée » ne reverrait dans notre chère école qu’un trio au lieu du quatuor si uni. Hanna se désolait bruyamment, Sigrid se déclarait inconsolable, et la sage Aïno avait malgré elle les larmes aux yeux en songeant que les bonnes parties auraient lieu dorénavant « sans leur Minna ».

Moi, je parlais peu, mais je partageais leur chagrin, mon cœur consolé toutefois par la pensée de me retrouver pour toujours auprès de ma douce mère, de mon père que j’adorais et de ma petite Elsa, qui continuait à m’écrire des lettres suppliantes pour m’engager à revenir « bientôt ».

Finie, déjà ! cette année de pension. Mais nous ne nous oublierions pas, nous resterions en correspondance suivie. Hanna, Sigrid et Aïno s’étaient engagées à me tenir régulièrement au courant des études. On devait même aussi me passer le fameux journal du convent.

Que de promesses ! Toutes les petites pensionnaires en font autant, direz-vous, mais toutes ne sont pas fidèles à leurs engagements, et je les ai là, dans mon secrétaire, enveloppés de blanc papier, noués par une faveur rose, tous ces journaux, toutes ces missives qui, pendant plusieurs années, me prouvèrent que le quatuor, même séparé, restait le quatuor.

Quelques jours avant les vacances, notre bon professeur, M. Ollan, nous parla des courses pédestres très en honneur aujourd’hui en Finlande, et alors dans toute leur nouveauté. Il nous engagea vivement à en organiser, nous aussi. La question fut discutée dans une de nos séances de convent, et deux ou trois « parties » furent résolues. Le quatuor, sous la conduite de Mlle Mathilde, et avec l’adjonction d’Hélène et de Heddi convint de faire une excursion à Punkaharju. Il nous fallait, bien entendu, le consentement de nos parents : nous l’obtînmes facilement. D’autres fillettes ou jeunes filles des classes supérieures, réunies par groupes de cinq, six, dix, et sans guide plus âgé lorsqu’elles se sentaient assez raisonnables pour voyager seules, choisirent d’autres buts d’excursion. Les beautés abondent dans notre cher pays. Quant au fait de voyager seules, et à pied, par des chemins inconnus, ceci n’a rien de surprenant dans ma