Page:Magasin d'Éducation et de Récréation, Tome XIII, 1901.pdf/371

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
370
A. MOUANS

dit M. Jouvenet ; allons, Philippe, n’est-ce pas toi qui devrais parler à présent ?

— Mais papa… je… oui… j’allais justement expliquer… avant-hier, nous étions sur le pont, Jacques et moi, je tenais la clef qui m’a échappé je ne sais comment et… »

Ici l’explication embrouillée s’arrêta net ; le jeune garçon, pour éviter le regard de son père, promenait les yeux de l’un à l’autre : Mme Jouvenet et la grand’mère semblaient tristes ; M. Brial hocha la tête, les enfants souriaient malicieusement et, pour comble de malheur, Mlle Dorothée donnait les signes d’une gaieté irrésistible :

« Faut-il que je vienne à ton aide ? Tes parents le permettront, j’en suis certaine, dit-elle en se plaçant devant lui.

— Mais, mademoiselle…

— Pas de mais !… Parle franc, tu t’en trouveras mieux. Si, au lieu de me conter sans détours son équipée sur le bateau, Norbert avait cherché de mauvaises excuses, crois-tu qu’il aurait gagné mon cœur !… Toi qui es si habile à chanter tes louanges, tâche, pour une fois, de répondre simplement. Qui, de toi ou de Jacques, a enlevé la clef de la serrure ?

— Moi !

— Et elle t’a glissé des mains comme cela, sans ta permission ?

— Non, je vais tout vous dire. »

Philippe contrit, la mine penaude à faire pitié, cette fois, raconta avec franchise comment les choses s’étaient passées. Aux derniers mots, Mlle Dorothée lui frappa amicalement sur l’épaule :

« Bien, très bien ; il faut de l’énergie pour reconnaître ses torts. Les vaniteux préfèrent les compliments ; mais, crois-moi, mieux vaut gagner l’estime des gens de cœur que de se faire admirer par les sots… Monsieur Jouvenet, pas de punition aujourd’hui, je vous prie ; cela gâterait la belle journée qui finit ! »

Notre histoire aussi touche à sa fin. Nous allons dire adieu à nos amis sur les bords de la jolie Foux, qui, après avoir été si longtemps un sujet de discorde, est devenue un trait d’union entre Beau-Soleil et la bastide Lissac.

Marthe et Irène prennent à présent leurs leçons en commun ; Norbert travaille ferme pour entrer au Borda. Les Jouvenet reviennent tous les ans passer quelques mois aux Myrtes, et, chaque fois, les amis provençaux trouvent Philippe changé à son avantage.

« Ah ! petite Foux ! chère petite Foux ! murmure Irène assise près de la source, au moment où nous la voyons pour la dernière fois, je t’aime toujours, mais j’ai d’autres amis, et tante Dor est si heureuse ! Tout est changé chez nous ! Ne voilà-t-il pas qu’elle parle de me mener à Paris !  !  ! »

A. Mouans.
FIN