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POUR L’HONNEUR

vrai, n’avait pas la possibilité de lui offrir la moitié de sa chambre, n’occupant lui-même qu’une alcôve où son lit et sa toilette tenaient à grand’peine.

Ah ! les durs moments !

Et personne pour le réconforter. Loin du patient ami qui l’aidait et l’encourageait autrefois, terrorisé par la sévérité paternelle et plus navré encore de se voir si peu aimé de sa mère, Marc se laissait peu à peu ressaisir par son apathie maladive.

Cela dura dix-huit mois, après lesquels, n’y tenant plus, il sollicita de son père la permission de s’engager pour cinq ans.

Il en avait alors dix-neuf.

Un instant, Pierre fut dérouté par ce coup de tête.

« T’engager ? Et pour cinq ans ! Pourquoi cinq ans ? » écrivit-il à Marc.

« Pour prouver à mon père que c’est un choix irrévocable, dans lequel j’entends persévérer », répondit celui-ci qui, même à son ami, ne voulait point avouer le réel motif de sa détermination.

« Ah ! c’est ainsi ? Eh bien ! moi aussi je m’engage ; je m’engage dans le même régiment que toi », déclara Marcenay, qui prévoyait que sa présence et son affection seraient plus que jamais nécessaires au comte de Trop.

Il le fit comme il l’annonçait, réduisant toutefois le chiffre d’une année, afin de consoler sa mère.

Le temps avait passé !… Dans quelques mois, Marc aurait à prendre une décision nouvelle : rengagerait-il ?

Dans ses dernières lettres, sans lui laisser soupçonner qu’elle rêvait de le voir devenir le mari de Gabrielle, la marraine avait fait comprendre à son filleul qu’il ne tenait qu’à lui d’entrer dans la maison de commerce, en qualité d’intéressé d’abord, d’associé un peu plus tard.

Le stage serait laborieux, il ne devait pas se leurrer. Mais elle obtiendrait de son mari qu’il abrégeât ce temps d’épreuve.

Le commerce, dans ces conditions, c’était l’aisance facilement conquise ; la fortune, même, si Marc voulait secouer sa nonchalance.

Le jeune homme restait hésitant malgré tout. Il aimait passionnément son métier à cette heure. Servi par ses aptitudes naturelles pour les sciences mathématiques, ayant fait, grâce à l’aide persévérante de Pierre, des études solides, il avait des chances de parvenir à Saumur. Le galon d’or lui paraissait une ambition singulièrement plus noble que