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ANDRÉ LAURIE

LES CHERCHEURS D’OR DE L’AFRIQUE AUSTRALE

COLETTE EN RHODESIA
(La guerre au Transvaal)
Par ANDRÉ LAURIE


XXI

À Passy.


Dès le lendemain, Henry et Gérard se mettaient en campagne pour trouver un logis à leur convenance.

Habitués aux vastes salles, aux espaces illimités, à l’entière liberté de Massey-Dorp, déjà la contrainte, les limites de l’hôtel leur pesaient à tous. Et d’ailleurs l’intérêt de la chère malade exigeait qu’elle fût le plus tôt possible « chez elle », au milieu de la paix, de l’ordre, du confort, de l’harmonie qu’on ne trouve qu’au foyer.

Il avait été décidé, d’un commun accord, qu’on ne s’arrêterait qu’à une maison avec jardin, et même jardin assez considérable ; ce n’était point un luxe, mais plutôt un item de première nécessité pour une maisonnée où il y avait des malades, des bébés, — et des éléphants ! Laissant donc, sans même les explorer, toutes les rues populeuses qui avoisinent le boulevard, les deux frères se portèrent immédiatement dans la banlieue.

Le cocher de place, auquel ils avaient expliqué sommairement ce qu’ils cherchaient, leur ayant assuré qu’ils trouveraient infailliblement leur affaire à Neuilly, ils se laissèrent guider par lui, et, traversant la rue Royale, la place de la Concorde, l’avenue des Champs-Élysées, la plus belle route sans doute qui soit au monde, se trouvèrent en moins d’un quart d’heure au delà de la porte Maillot, où, en effet, une quantité innombrable d’écriteaux s’offrent à leurs yeux, mais où ils constatent, au bout de deux heures de marches et de contre-marches, que leur « affaire » est moins aisée à découvrir que ne l’avait imaginé le cocher.

Parmi les maisons disponibles qu’ils inspectent, boulevard d’Argenson, avenue du Roule, boulevard d’Inkermann, etc., celles qui leur plaisent sont d’un prix trop élevé ; celles dont le prix est abordable paraissent absolument insuffisantes. Ils s’étonnent, au surplus, du changement survenu dans le taux des loyers pendant ces derniers dix ans. Tel pavillon plus que modeste, où une famille amie logeait bien étroitement jadis pour la somme de huit cents francs, annonce aujourd’hui la prétention d’en rapporter deux mille. Et encore si ledit pavillon avait embelli ! S’il s’était agrandi ! Mais point. À ces colons tout frais émergés de leurs vastes forêts, de leur chalet aéré, fleuri, toujours immaculé, — et dont le loyer était néant, — la demeure qu’ils ont sous les yeux produit un effet risible et lamentable avec ses murs lépreux, ses proportions exiguës, son bosquet de lauriers râpés et poudreux qui dissimule mal les pauvretés des pavillons voisins.

« Deux mille francs de cette cahute ! s’écrie Henri indigné. C’est se moquer du monde. J’aimerais mieux en bâtir une de mes mains. »

Ils fuient ce quartier. L’automédon tourne à gauche, les conduit au boulevard Maillot.

Ici, de nouveau les villas spacieuses, élégantes, commodes, s’offrent en foule, mais les prix croissent naturellement avec le carré de la superficie ; les loyers demandés passent toute mesure ; et quels jardins ! À peine la place de se retourner. Un seul parait vaste et ombreux ; mais on le dit hanté. Impossible de s’y arrêter : Martine et Le Guen sont plus superstitieux l’un que l’autre ; ils seraient capables de donner leur démission ! Dans une