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Magasin illustré d’Éducation et de Récréation



LES HISTOIRES DE CABIDOULIN

par JULES VERNE — illustrations de GEORGE ROUX

I

Un départ retardé


« Eh ! capitaine Bourcart, ce n’est donc pas aujourd’hui le départ ?…

— Non, monsieur Brunel, et je crains que nous ne puissions partir ni demain… ni même dans huit jours…

— Voilà qui est contrariant…

— Et surtout inquiétant, déclara M. Bourcart en secouant la tête. Le Saint-Enoch devrait être en mer depuis la fin du mois dernier, afin d’arriver en bonne saison sur les lieux de pêche ! … Vous verrez qu’il se laissera distancer par les Anglais ou les Américains…

— Et ce sont toujours ces deux hommes qui vous manquent ?…

— Oui… monsieur Brunel… l’un dont je ne puis me passer, l’autre dont je me passerais à la rigueur, n’étaient les règlements qui me l’imposent…

— Et celui-ci n’est pas le tonnelier, sans doute ?… demanda M. Brunel.

— Non… ayez la bonté de m’en croire, non ! À mon bord, le tonnelier est aussi indispensable que la mâture, le gouvernail ou la boussole, puisque j’ai deux mille barils à fond de cale…

— Et combien d’hommes à bord ?… capitaine Bourcart ?…

— Nous serions trente-deux, monsieur Brunel, si j’étais au complet. Mais, entre nous, il est plus utile d’avoir un tonnelier pour soigner les barils que d’avoir un médecin pour soigner les hommes !… Des barils, cela exige sans cesse des réparations, tandis que les hommes…, ça se répare tout seul !… D’ailleurs, est-ce qu’on est jamais malade à la mer ?…

— Évidemment on ne devrait pas l’être en si bon air, capitaine Bourcart… et, pourtant, quelquefois…

— Monsieur Brunel, j’en suis encore à avoir un malade sur le Saint-Enoch !…

— Tous mes compliments, capitaine. Mais, que voulez-vous, un navire est un navire, et, comme tel, il est soumis aux règlements maritimes. Lorsque son équipage atteint un cer-