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Page:Magasin d education et de recreation - vol 15 - 1871-1872.djvu/376

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venir funeste le faisait rougir, quand un regret poignant lui serrait le cœur, en songeant à sa chère maman, si loin de lui, à sa sœur aimante et gaie, à son père tendre autant que juste, il se relevait dans sa propre estime en se disant : « Je veux être désormais un travailleur et un honnête homme » et il calmait sa tristesse en ajoutant : « Je retrouverai ceux que j’aime et leur rapporterai un Édouard qu’ils pourront aimer.

La première fleur éclose dans le jardin d’Édouard fut envoyée dans une lettre à sa maman. Et quel dommage de ne pouvoir présenter sa première fraise aux lèvres d’Adrienne, la petite friande, qui les aimait tant ! Au moins, fut-il content d’en pouvoir offrir à Amine, et très-fier, et le cœur tout battant de joie, vraiment, quand il porta sa première cueillette de petits pois à Mme Ledan, et qu’elle les trouva si jolis, et qu’ils furent trouvés si bons au dîner par tout le monde.

Cette vie végétative, si charmante et si utile, n’était pas la seule que renfermât le jardin d’Édouard. 11 était plein encore de toutes sortes de petites bêtes, qui y avaient établi leur demeure, en dessus du sol, ou au-dessous, et qui vivaient là chacune à sa manière : Carabes noirs ou dorés, chenilles de toutes couleurs, bêtes à Dieu, coccinelles, chrysomèles, cloportes, pucerons, cétoines, araignées, fourmis, rats, oiseaux, limaces, limaçons, vers, que saisie ? Sans compter les invisibles, ceux qui vivent à mille sur une seule feuille, ou à cent dans une goutte d’eau ; sans compter les voyageurs et touristes de passage : papillons, libellules, friganes, une famille de hérissons qui trottait par là le soir, des rats d’eau qui, de la Loire, venaient faire un tour au clair de lune : des moineaux qui, à midi, se roulaient dans le sable des allées ; des abeilles qui goûtaient les fleurs d’Édouard, et les trouvaient pleines de miel : des mouches de toute forme et de tout état ; des pies curieuses qui, plus d’une fois, après le départ d’Édouard, et presque sur ses talons, vinrent inspecter son ouvrage, en glosant fort, comme des entendues ; quelque hirondelle qui, de la rivière où elle happait des mouches, donnait par là un coup d’aile. Ce petit jardin était tout un monde.

Malheureusement, si la plupart de ces hôtes étaient charmants, et l’animaient d’une plus large vie, plusieurs en revanche étaient malfaisants, et il fallait les combattre : les rats par exemple. Oh ! ces rats firent bien du mal à Édouard ; car ils venaient manger dans la terre ses beaux petits pois, à peine nés ; il eût bien passé la nuit pour les défendre, si on le lui eût permis. Il y avait encore les limaces et les chenilles, qu’il fallait extraire du petit jardin, sous peine de mort pour les plantes ; et c’était vraiment fâcheux d’avoir à détruire de pauvres bêtes, coupables de vouloir manger et vivre, comme toute créature en ce monde. Cependant il fallait bien choisir entre elles et les plantes, ces filles chéries d’Édouard, ces êtres gracieux et utiles qui vivaient, elles, pour s’accomplir dans la bienfaisance, et nourrir en donnant leur fruit.

Au reste, c’étaient d’autres hôtes même du jardin, les bouvreuils nichés dans le lierre, qui aidaient Édouard à nettoyer le jardinet de ses ennemis. Il était là, dans un hamac suspendu à deux fortes branches, grises et rugueuses, et recouvert par les feuilles lustrées, le nid où couvait la mère, et près duquel veillait le père, inquiet et jaloux. Deux ou trois fois par jour, on voyait ce beau petit mâle, aux vives couleurs, s’’introduire furtivement dans le lierre, et porter des aliments à la couveuse. Un jour, on entendit de petits piaillements, et dès lors on vit les deux parents aller et revenir tour à tour, le bec plein. Édouard