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s’écriait-il, et que les Esquimaux savent manœuvrer avec une habileté sans pareille !

— Mais tu n’es pas un Esquimau, s’écriait Mrs. Joliffe, essayant, mais en vain, d’arrêter le bras de son imprudent conducteur.

—— je me suis laissé dire, reprenait le caporal, je me suis laissé dire que ces Esquimaux savent piquer n’importe quel chien de leur attelage à l’endroit qui leur convient. IIs peuvent même du bout de ce nerf durci leur enlever un petit bout de l’oreille, s’ils le jugent convenable. Je vais essayer…

— N’essaye pas, Joliffe, n’essaye pas ! s’écria la petite femme, effrayée au plus haut point.

— Ne craignez rien, mistress Joliffe, ne craignez rien ! Je m’y connais ! Voilà précisément notre cinquième chien de droite qui fait des siennes ! Je vais le corriger ! »

Mais sans doute le caporal n’était pas encore assez « Esquimau » ni assez familiarisé avec le maniement de ce fouet dont la longue lanière dépasse de quatre pieds l’avant-train de l’attelage, car le fouet se développa en sifflant, et, revenant en arrière par un contre-coup mal combiné, il s’en roula autour du cou de maître Joliffe lui-même, dont la calotte fourrée s’envola dans l’air. Nul doute que, sans cet épais bonnet, le caporal ne se fût arraché sa propre oreille. |

En ce moment, les chiens se jetèrent de côté, le traineau fut culbuté et le couple précipité dans la neige. Très-heureusement, la couche était épaisse, et les deux époux n’’eurent aucun mal. Mais quelle honte pour le caporal ! Et de quelle façon le regarda sa petite femme ! Et quels reproches lui fit le lieutenant Hobson !

Le traîneau fut relevé ; mais on décida que dorénavant les rênes du véhicule, comme celles du ménage, appartiendraient de droit à Mrs. Joliffe. Le caporal, tout penaud, dut se résigner, et la marche du détachement, un instant interrompue, fut reprise aussitôt.

Pendant les quinze jours qui suivirent, aucun incident ne se produisit. Le temps était toujours propice, la température supportable, et le 1° mai, le détachement arrivait au Fort-Entreprise.

Jules Vanne.

La suite prochainement.

(Reproduction et traduction interdites.)


LA JUSTICE DES CHOSES

LE SALON D’AMINE. — ERNEST

« À qui le tour maintenant ? s’écria-t-on. — Amine ?

— Oh ! non, je voudrais attendre encore, Ernest !

— Après tout, répondit celui-ci, quand ce sera fait, je n’y penserai plus et n’aurai plus qu’à jouir du plaisir d’écouter les autres ; Car ce n’est pas trop agréable au moins de faire comme cela sa confession.

— Mais, observa Mme Ledan, il est permis, je le répète, de parler aussi des bonnes actions et du plaisir qu’elles ont pu causer.

— Eh bien, ça serait peut-être encore plus gênant. Ensuite je dis comme Victor : Elles ne sont pas si nombreuses.

— Non, je prends au contraire mon principal défaut ; c’est plus tôt fait, et c’est celui que je connais le mieux. Vous le savez bien : je ne suis pas patient. Quand quelque chose me contrarie, le sang me monte à la tête, et si je ne sais pas m’arrêter à temps… Alors, ma foi, je deviens.