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Page:Magasin d education et de recreation - vol 17 - 1872-1873.djvu/375

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Pour sa figure, je ne puis la souffrir. Il a un si drôle de nez… »

Et la dame se mit à faire d’Édouard un portrait-charge de nature à déconcerter cruellement l’amour-propre du patient, qui assistait ainsi lui-même à sa propre dissection, comme le savent toujours faire les ennemis, qui voient en laid, de même que les amis voient en beau. Mme X… saisissait à merveille le côté défectueux ; aussi, bien qu’Édouard ne fût pas laid, qu’il ne fût non plus ni gauche ni grossier, et que son langage fût plutôt facile et agréable, notre petit moqueur n’étant pas non plus irréprochable, elle releva si bien, en les chargeant, les imperfections des traits et de la démarche d’Édouard, et certaines bévues et incorrections qui lui étaient échappées, qu’elle fit rire tout l’auditoire aux dépens de sa victime, et cela d’autant plus facilement qu’il se trouvait là plusieurs personnes qui, ayant aussi à se venger d’Édouard, ajoutèrent leurs épigrammes à celles de Mme X…, et l’applaudirent vivement.

Quelle situation pour Édouard ! Il suait à grosses gouttes, et de colère et de honte. Heureusement pour lui, grâce aux efforts de l’amie de sa mère, la conversation bientôt changea d’objet, et M. D…, demeuré tout ce temps immobile près d’Édouard, prit les devants pour sortir de l’allée. Édouard le suivait machinalement et en silence, tout étouffé de dépit.

« Mon cher Édouard, dit M. D…, j’espère que vous me pardonnerez la mortification que je viens de vous faire subir ; car je n’ai eu en ceci d’autre intention que de vous procurer un grand avantage, qui nous manque fort à tous tant que nous sommes : celui de savoir nettement ce que les autres pensent de nous. Entré là pour chercher le frais et voyant que l’entretien s’engageait sur vous, je me suis hâté d’aller vous prendre. Vous me devez en réalité de grands remercîments, car pour être cruelle, la leçon n’en sera que plus profitable pour vous, si vous savez la comprendre ; il y a des gens qui, à votre place, m’en voudraient toujours. Je suis sûr, moi, que vous aurez le bon esprit de n’être pas de ceux-là. »

Édouard s’empressa de serrer la main de M. D… ; mais il ne put parler,’tant la douleur de son amour-propre meurtri le serrait à la gorge et de peur de pleurer ; car ses yeux é : aicnt gros de larmes.

« Très-bien, Édouard, lui dit son ami ; je vois que je n’ai pas trop présumé de vous. Je vous disais bien l’autre jour qu’on nous rendait toujours en ce monde la monnaie de notre argent, et en pareil cas, surtout, avec usure ; mais ce n’étaient là que des conseils, et vous n’y avez pas fait attention, tandis qu’une telle preuve ne s’effacera pas de votre mémoire. Mon cher enfant, les moqueurs sont toujours moqués, détestés, et, qui pis est, mépricés. Si vous voulez comme tout le monde être heureux, aimez, et faites-vous aimer. ».

Lucis B.

La suite prochainement.


UNE CARTE DE FRANCE
EN PLEIN CHAMP

J’ai raconté un jour aux lecteurs du Magasin d’Éducation — ils ont eu tout le temps de l’oublier : c’était en 1868 — l’histoire fantastique d’une carte de France comme on n’en à jamais vu, imaginée par un gouvernement « qui aimait beaucoup