Page:Magdeleine du Genestoux Le trésor de Mr. Toupie - 1924.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
SI NOUS PARTIONS !…

Les deux frères avaient arrangé leur petit appartement d’une façon très confortable : chacun était installé selon son goût et les nécessités de son travail. Louis occupait deux pièces, l’une était sa chambre à coucher, l’autre son cabinet.

Louis n’était pas encore de retour lorsque Charles rentra.

Celui-ci s’assit à son bureau, prit ses livres et commença à travailler.

Mais son esprit était distrait : tandis qu’il tenait son porte-plume au-dessus d’une feuille de papier, tout à coup, il vit un petit dessin qu’il avait tracé inconsciemment. Ce dessin représentait une Vierge sur un rocher très abrupt, une ancienne cathédrale — d’un style fort mélangé — et sur le bord d’une rivière, une vieille, très vieille maison : large portail et à toit pointu. À l’arrière-plan de ce dessin, une niche à chien se dressait, beaucoup plus haute que la cathédrale.

D’un coup de plume, Charles effaça tout et se plongea dans l’étude.

Il travailla sans lever la tête jusqu’au moment où son frère entra dans la pièce et lui mit la main sur l’épaule.

« Eh bien ! Charles, tu n’as pas faim ? Il est tard. As-tu fini tes devoirs ? »

Les deux frères se ressemblaient beaucoup. C’étaient, chez l’un et chez l’autre, les mêmes cheveux blonds, les mêmes yeux bleus, la même fermeté de manières : mais chez l’aîné, des plis un peu amers paraissaient au coin de ses lèvres et barraient son front. Il était pâle et ses yeux révélaient un peu de tristesse.

Charles se leva vivement.

« Oh ! mon vieux frère, j’ai un tas de choses à te dire. Figure-toi… Mais d’abord, comment va ton rhume ?

— Oh il se porte très bien, je n’en ai plus que pour un ou deux jours.

— Tu ferais mieux de te soigner plutôt que de soigner les autres, » dit Charles en prenant le bras de son frère pour se rendre à la salle à manger.

Lorsqu’ils eurent avalé le brûlant et excellent potage que le vieille Brigitte avait posé sur la table, Charles commença d’un air triomphant :

« Louis, mon frère, as-tu lu ce matin le Coq gaulois ?

— Non, je t’avoue que je n’ai lu aucun journal ce matin.

— Alors, tu ne connais pas le concours de cet excellent M. Toupie ?

— Non ! Qu’est-ce que c’est que M. Toupie ?

— C’est un homme tout à fait extraordinaire… il offre un trésor au jeune garçon qui saura le découvrir dans le coin de France où il est caché ! »

Louis regarda son frère, n’ayant pas l’air de comprendre ce qu’il disait. Celui-ci, pendant un instant, s’amusa de cet étonnement, puis il exposa avec beaucoup de précision et de clarté les données du concours et ce que lui avait fait proposer, dans l’après-midi, le père d’Arthur.

Il y eut un moment de silence. Charles était un peu anxieux de connaître l’opinion de son frère.

« Mon cher Charles, commença celui-ci, je ne veux pas m’opposer à ton désir et je ne veux pas non plus refuser l’offre de M. Treillard…

— Je te remercie, s’écria Charles en battant des mains.

— Attends… Mais je ne veux pas que tu partes comme un fou, sans plan, sans savoir si tu as quelques raisons d’aller ici plutôt que là. On ne peut s’embarquer à la légère. Tu me dis en gros les conditions du concours, il faut que je les connaisse en détail… Au fait, non. Tu es assez grand pour savoir te conduire. Passe donc tes vacances avec Arthur : mais ne commence ce voyage qu’après beaucoup de recherches et d’études. C’est un peu fou ; mais, enfin, si tu ne trouves pas le trésor, tu t’instruiras et cela te fera du bien physiquement, à condition de ne pas te laisser entraîner dans de folles aventures par Arthur, qui est le meilleur garçon du monde, mais aussi, comme tu sais, l’étourderie en personne.

— Mon cher Louis, comme tu es bon !…

— Je mettrai une petite somme d’argent à ta disposition… celle que j’avais réunie pour les vacances…

Le dîner achevé, bras dessus, bras dessous, les deux frères passèrent dans la chambre de Charles, et tandis que Louis allumait une cigarette en s’installant sur le divan, Charles prit une feuille de papier sur laquelle il avait copié de sa plus belle écriture les conditions du concours, et, en face de son frère, debout, d’une voix claire, il commença à les lire.