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LE TRÉSOR DE M. TOUPIE

auparavant, il avait prié Colette de rester sur la place avec les deux bicyclettes : il ne pouvait tolérer que sa nouvelle amie entrât dans un cabaret.

La pièce renfermait peu de monde : trois ou quatre habitants du pays attablés devant des verres de vin.

« Pourrais-je avoir une voiture pour aller chercher, à peu de distance d’ici, des touristes dont l’auto a eu un accident ?

— Adressez-vous en face.

— Il n’y a personne… Voyons, c’est très pressé. »

Un jeune homme se leva.

« Il n’y a plus d’autos à cette heure-ci… Quant aux voitures, on pourra peut-être trouver un cheval, mais…

— Eh bien, ça va alors…

— Eh mais ! attendez… Combien donnerez-vous pour la course ?

— Ce n’est pas loin et…

— Oh ! ça ne sera pas moins de quarante francs. Pensez donc… un bon cheval…

— C’est cher ; enfin, entendu. Attelez vite ; je vais vous montrer la route.

— C’est très bien tout ça, mais il faut payer d’avance.

— D’avance ! Mais… » Arthur pensa qu’il n’avait qu’une petite somme sur lui ; quant à Colette, elle devait être aussi démunie d’argent que lui… « Je n’ai pas la somme sur moi… Nous voyageons avec nos parents.

— Ah ! ça, c’est fâcheux… Alors, rien à faire.

— Mais, voyons, s’écria Arthur indigné en voyant que son interlocuteur se rasseyait à la table de ses compagnons, avons-nous l’air de mendiants ?

— Non, pour sûr ; seulement, par cette chaleur, risquer d’aller chercher des voyageurs qui ne seront peut-être plus là…

— Puisque je vous dis que l’auto est abîmée et ne peut avancer… »

Les paysans attablés se mirent à discuter en patois. On ne pouvait les comprendre, mais Colette, qui était entrée dans le café, regardait leurs physionomies et devinait que les avis étaient partagés ; les uns poussaient le jeune homme à partir, les autres à rester. Elle le dit rapidement à Arthur.

« Écoutez, dit tout à coup ce dernier, puisque nous ne pouvons pas vous payer, je vais vous donner ma bicyclette en gage. Elle est d’une excellente marque… Alors, dépêchez-vous d’atteler votre cheval et de partir…

— C’est bon, allons voir la bécane. »


une jeune femme apporta du lait.

Le jeune cocher se leva et, suivi de ses amis, sortit du cabaret. Ils examinèrent avec soin la machine, puis ils dirent à Arthur de les accompagner dans la remise. On enferma la bicyclette dans un réduit ; Colette, qui trouvait fatigant de traîner la sienne, la mit à côté de l’autre.

« Comme ça, dit Arthur en riant, vous en aurez deux au lieu d’une. »

Le jeune cocher rit de tout son cœur en montrant ses dents blanches : il souhaitait en lui-même de ne pas rencontrer les voyageurs, car la bicyclette lui faisait joliment envie.

Il sortit de l’écurie un petit cheval de la race du pays, aux jambes minces et à la tête fine, l’attela à une antique victoria et monta sur le siège. Arthur et Colette avaient décidé de ne pas aller avec lui, afin de laisser toute la place aux voyageurs en détresse. Au moment de soulever les guides, le cocher fit tournoyer son fouet et s’écria :

« Sur la route de Pierrefitte à Argelès, n’est-ce pas ?…

— Oui, répondit Arthur, qui, avec