Page:Magin-Marrens - Histoire de France abrégée, 1860.djvu/92

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un historien moderne, un prince destiné à rendre la France triomphante et policée, et à être en tout le modèle des hommes. Sa piété, qui était celle d’un anachorète, ne lui ôta aucune vertu de roi. Une sage économie ne déroba rien à sa libéralité. Il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte, et peut-être est-il le seul souverain qui mérita cette louange ; prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats sans être emporté, compatissant comme s’il n’avait jamais été que malheureux, il n’est pas donné à l’homme de porter plus loin la vertu. » Ajoutons avec Joinville que « ce saint homme aima Dieu de tout son cœur, et agit en conformité de son amour. » Aussi le fils de Blanche de Castille a-t-il été mis par l’Eglise au nombre des saints, 27 ans après sa mort (1297) ; et s’il faut en croire le témoignage de son historien Joinville, on le regardait comme saint de son vivant même, et on le disait en sa présence.

166. Justice de saint Louis. — Le chêne de Vincennes. — La piété et la justice de saint Louis avaient un tel renom dans toute l’Europe chrétienne, qu’il fut pris deux fois pour arbitre par les souverains étrangers. Il décida en faveur du roi d’Angleterre Henri III contre ses barons révoltés ; il intervint en faveur de l’empereur d’Allemagne Frédéric II contre le pape Innocent IV. Saint Louis rendait souvent la justice lui-même, suivant l’ancienne coutume de nos rois : « Maintes fois, dit Joinvilte, il advint qu’en été il allait s’asseoir au bois de Vincennes, après la messe, et s’appuyait à un chêne, et nous faisait asseoir auprès de lui, et tous ceux qui avaient à faire venaient lui parler sans empêchement d’huissier ou d’autres. »

167. Administration de saint Louis. — Saint Louis ne combattit pas ouvertement la féodalité ; mais il lui porta un coup mortel par la régularité de son administration, par la paix et la prospérité qu’il assura aux habitants du domaine royal. Le code qu’il nous a laissé sous le nom d’Etablissements est un monument précieux de sa sagesse. Il réprima l’abus des guerres privées, et le fit bientôt disparaître complètement en publiant l’ordonnance de la Quarantaine-le-Roi, en vertu de laquelle il était défendu de tirer vengeance d’une injure avant que quarante jours se fussent écoulés. On conçoit que cet intervalle donnait aux passions le temps de se calmer, et amenait souvent ou l’oubli de l’offense, ou un accommodement entre les deux parties. Le duel judiciaire et les autres institutions féodales perdirent en même temps de