Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/141

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— Une lettre !… de moi !… dit l’homme-singe avec stupeur.

— Je vais vous la montrer.

Fébrile, le professeur se précipita vers un secrétaire. Mais le docteur Silence l’avait devancé et fouillait méthodiquement dans un classeur ; il tendit un papier au savant.

— Voici ! s’écria celui-ci, en agitant triomphalement le feuillet.

Le gorille le saisit et lut à demi-voix, comme pour mieux graver en son esprit le sens des mots :

« En Possession de mon libre arbitre et dans la plénitude de mes facultés, je déclare m’être remis aux mains du professeur Fringue pour qu’il soit par lui procédé, dans l’intérêt de la science, à une expérience d’échange de cerveaux.

« Je déclare en outre, en dégageant le professeur Fringue de toute espèce de responsabilité, que c’est sur ma demande expresse qu’il a procédé à cette opération, dont l’initiative me revient, et que j’ai moi-même désigné l’animal à soumettre concurremment avec moi à cette tentative de greffe cérébrale.

« Fait à Paris, sain de corps et d’esprit, le 7 février de l’an 2003.

« Rolland MISSANDIER ».


Arrivé à la signature, l’homme-singe poussa un cri de fureur.

— Cette lettre n’est pas de moi ! s’exclama-t-il. Mensonge !

Le professeur Fringue se redressa, effaré. Le docteur Silence demeura calme, seulement son sourire s’accentua.

— Point de vous ! répéta le premier.

— Jamais ma main n’a tracé ces lignes, D’ailleurs ce n’est ni mon écriture, ni ma signature.

— Oh ! fit le professeur, incapable d’articuler une parole, tellement cette situation inattendue le consternait !

— Comprenez-vous ? dit sourdement Roland. — N’était-ce point toujours Roland, en dépit de sa forme ? Comprenez-vous ? c’est