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et de Fontainebleau à Paris, par tous les itinéraires possibles, il n’obtint nul indice. Débarrassé de ses compromettants compagnons, l’homme passait inaperçu. Il fallait être au courant du drame pour deviner sa présence là où s’étaient signalés le malheureux Roland et son double. Entre ces trois apparitions, pas le moindre bout de fil ne traînait. Et sans ce fil conducteur qu’apporte presque toujours le hasard, dieu des enquêtes policières, l’homme-singe se convainquit que toute recherche était vaine.

Imaginez un voyageur cherchant sa route du centre d’une plaine aride, d’un désert de sable qu’encercle un horizon où le ciel se confond avec le sable. Dans quelle direction marcher ? Telle était la situation de Roland.

Aucune preuve matérielle ne subsistait donc du passage du monstre ? Si : la lettre remise au professeur Fringue, et que l’homme-singe avait conservée. Écrite sans préparation, sous les veux des deux savants, d’une main qui ne devait pas hésiter, pour ne point éveiller leurs soupçons, elle devait présenter une écriture sincère, d’où, tout au moins, n’avaient pu être bannies les caractéristiques courantes, formes de certaines lettres, barres, liaisons, qui pouvaient, à l’occasion, permettre des comparaisons et une identification.

Mais pour qu’elle pût être utilisée, il fallait que le hasard désignât l’homme aux soupçons de Roland et que celui-ci pût l’approcher. Entreprise délicate, car la seule vue de sa victime suffirait à mettre l’ennemi en garde, et la forme actuelle de l’homme-singe était une infériorité. N’était-il pas hors la loi ? à la merci du premier geste de défense que légitimerait sa qualité de bête ? Un coup de feu l’abattrait dès sa première apparition ; une simple réclamation obligerait Godolphin à l’enfermer ou à le laisser confisquer par l’autorité, sous couleur de sauvegarder la sécurité publique. Il était une bête, et de la vie ou de la liberté des bêtes, les hommes