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qu’il fit, quand le docteur Clodomir eut conclu, en haussant le ton :

— Le corps humain est une machine, professeur Fringue. Il suffisait de trouver la formule chimique de la vie.

— Cette opération, répliqua le vieux savant, il l’a subie involontairement et cela modifie tout.

Le docteur Clodomir ne releva pas cette incohérence, qui répondait si peu à ce qu’il avait dit. Il retomba dans son mutisme et parut suivre solitairement le cours de ses pensées.

— Croyez-vous qu’il reviendra ? demanda le professeur Fringue, d’un ton anxieux… Figurez-vous, mon petit Silence, j’ai peur de le revoir… une peur bête, dont je subis l’obsession… j’ai peur de ses reproches, de ses questions, de sa vue… C’est insensé !

Il se mit à marcher dans le laboratoire, que l’électricité emplissait d’une lumière éblouissante.

— Je ne veux plus le revoir, grommela-t-il. Je n’ai rien à lui dire… rien…

Il s’arrêta près de la baie vitrée et souleva un coin du store pour appuyer son front contre la fraîcheur des vitres.

Dehors, il faisait nuit, mais une nuit étoilée ; la lune, qu’on ne voyait point, recouvrait le sol d’un tapis de lumière pâle que rongeaient d’un côté les ombres brèves des bâtiments.

Soudain, le professeur Fringue tressaillit.

— Oh ! venez voir, docteur Clodomir, fit-il d’une voix étouffée. On dirait…

De sa main, qui tremblait un peu, il montra une ombre, surgie au-dessus du mur contre lequel s’adossaient les logettes. L’ombre fit un saut qui l’amena au milieu de la cour et elle devint une silhouette gigantesque, qui se dirigeait vers le laboratoire.

— C’est lui !… lui !… Que veut-il ? murmura le savant, dont les dents claquaient.