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quier deux ou trois phrases banales, toujours les mêmes, Violette apparaissait et criait, de la porte, un gai bonjour. Alors, Roland, abandonnant Mme Sarmange, se dirigeait vers le petit salon et s’encadrait dans la porte, tandis que Violette reprenait sa place. Une causerie animée commençait, entre lui et la jeune fille ; insensiblement, il s’avançait à l’intérieur du petit salon et finissait par s’asseoir en face de Violette. La porte, qui demeurait ouverte, sauvegardait les convenances. Mais on ne se rappelait la présence de la mère qu’au moment où Roland devait prendre congé d’elle.

Cela n’empêchait nullement la bonne dame de dire naïvement à son mari, lorsqu’elle lui rendait compte de sa journée :

— Roland est venu me voir.

D’ailleurs, M, Sarmange ne s’y trompait pas.

Or, ce jour-là, il y eut une double dérogation aux usages.

Roland entra tellement absorbé qu’il négligea la main que la vieille dame lui tendait. Et Violette, sans attendre l’échange des phrases protocolaires, s’élança dans le salon, sitôt qu’elle entendit le jeune homme, en criant à tue-tête :

— Mon bouquet ! Où est mon bouquet ?

Mais elle s’arrêta aussitôt, remarquant l’expression soucieuse, douloureuse même, des traits de Roland Missandier.

Vingt-cinq ou vingt-six ans, bien découplé, d’aspect énergique et distingué, Roland était un beau garçon dans toute l’acception du mot. Il devait à la pratique régulière des sports un corps souple et musculeux ; son front noble et dégagé, son regard intelligent disaient que, concurremment à ses muscles il avait pris soin de développer ses facultés intellectuelles. Ses cheveux châtains bouclaient légèrement ; des sourcils de même couleur surmontaient de leur arc admirablement des-