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première venue, à cause de l’œil narquois du garçon qui te la fait visiter.

Veille à ce que le numéro de cette chambre ne soit pas marqué sur la porte par un chiffre énorme. Tu entendras assez souvent dans l’hôtel des phrases telles que celles-ci :

Les lettres du huit ! Le huit a sonné ! Une visite pour le huit !

Tu souffriras de sentir ton nom dédaigné et tu ne peux te douter combien il te serait amer, de voir, à minuit, à la lueur de ta bougie qui vacille, se dresser encore ce numéro fatidique comme le symbole de ton existence, désormais anonyme, dans la grande ville.

Veille encore à ce que cette chambre renferme une cheminée. Cela n’est point négligeable. Tes écrits se ressentiraient de cette absence. Ils seraient chétifs et grelottants, car il y a de grands vides sous les portes, et les fenêtres laissent passer l’air abondamment.

N’examine pas les meubles. Ils sont laids et dégagent une odeur indéfinissable de vieilleries. Accoutume-toi à leur médiocrité. Seule la table mérite quelque intérêt. Si tu en soulèves le tapis, peut-être y trouveras-tu une curieuse inscription, attestant le passage d’un autre jeune homme semblable à toi.

N’aie pas honte de la pauvreté de ton hôtel. Affecte au contraire d’en tirer vanité. Si quelque ami t’ac-