Page:Magre – Conseils à un jeune homme pauvre qui vient faire de la littérature à Paris, 1908.djvu/20

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petit trou du gant s’enfuirait toute l’illusion de la richesse.

L’homme riche se reconnaît aussi à l’assurance. Il ose s’impatienter bruyamment dans les restaurants si on ne le sert pas assez vite. Il ose entrer dans un magasin, examiner mille objets et s’en aller sans en avoir acheté un seul, tandis que l’homme pauvre au contraire préfère prendre et payer un livre dont il n’a pas besoin, un chapeau qui ne lui va pas, plutôt que d’être jugé pauvre par l’œil sévère du marchand. L’homme riche ose donner un pourboire de deux sous à un cocher, en prétextant qu’il n’a justement pas de monnaie pour lui donner davantage, insoucieux de l’injure et du mépris du cocher, parce qu’il est riche.

Quand tu comparaîtras devant un concierge, un jour de pluie, la boue de tes souliers ne sera considérée comme un danger pour l’escalier que si tu as l’air timide et minable. La boue du riche ne tache pas. Dans le métropolitain, quand tu monteras en première avec un billet de seconde, l’employé, pour te réclamer dix centimes sera insolent, si tu sembles pauvre, obséquieux si ton aspect est élégant. Le riche est censé ne jamais duper.

Il faut donc que tu paraisses avoir de l’argent, de même que si l’on veut conserver un ami, il faut paraître heureux, simuler la joie.