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Page:Magre – Conseils à un jeune homme pauvre qui vient faire de la littérature à Paris, 1908.djvu/68

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main tendue, des projets qu’on fait ensemble, des espérances qu’on partage, le plaisir inestimable de se raconter l’un à l’autre…

Et c’est bien assez.

Mais, crois-moi, garde-toi de t’enorgueillir d’amitiés puissantes ou illustres. Ta force est dans les liens qui t’unissent à ceux qui sont semblables à toi, seraient-ils plus humbles même, à la troupe famélique de ceux que la vie n’a pas favorisés, aux poètes des hôtels garnis à deux francs, aux écrivains qui habitent au sixième une chambre parmi les bonnes du premier étage, aux auteurs dramatiques qui se font comédiens pour vivre.

Sache bien que ces modestes compagnons avec leurs redingotes usées, leurs bottines où passe l’eau, leurs cheveux longs, ont une influence plus véritable que tous les hommes arrivés avec leurs paroles conventionnelles. Car leur désintéressement les précède et les défend, car seuls les cris qui partent d’en bas peuvent monter très haut et être entendus très loin.