Page:Magre – Conseils à un jeune homme pauvre qui vient faire de la littérature à Paris, 1908.djvu/72

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Réclamations du propriétaire et du tailleur, papier qu’apporte l’employé de Dufayel, serviettes trouées, bottines ressemelées, odeurs de bois moisi, vous brisez le courage des cœurs les mieux trempés !

Ô jeune homme, développe en toi ton allégresse, ta gaieté, sois, en dépit des événements et de la mauvaise fortune, un homme joyeux.

L’homme joyeux est fort, même s’il est laid et mal vêtu, parce qu’il rit de celui qui est beau et élégant. L’homme joyeux regarde bien en face, serre la main très fort et fait comprendre tout de suite qu’il est joyeux.

Lorsqu’il va dîner dans la maison du riche, il n’est pas sensible à l’ironie discrète, mais réelle, du laquais rasé qui prend obséquieusement son pardessus et qui en regarde la doublure déchirée, parce que, par son geste, par son attitude il a montré qu’il savait bien que la doublure était déchirée, que cela lui était égal, qu’il en riait, et que par-dessus le marché il riait du laquais rasé et de son pauvre métier.

L’homme joyeux n’a pas de fausse honte ; si le riche offre de lui prêter de l’argent, même s’il le fait à la manière habituelle des riches, d’une façon ostensible, humiliante, comme une aumône, il accepte et il a raison, car il sait que ce riche est un médiocre oisif, tandis que lui travaille de sa pensée. Il considère que c’est là un bienfait général que cette richesse, au lieu d’être jouée aux cartes, au lieu de payer des