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tations dominicales auxquelles M. et Mme Dieulafoy donnèrent avec plaisir tous leurs soins pendant plusieurs années, et de là est sorti leThéâtre dans l’intimité (Ollendorf, 1900), qui est comme une revue aimable des littératures classiques, depuis les idylles de Théocrite jusqu’à la Farce du Cuvier et les pièces du premier Empire.

Enfin, sur d’autres scènes plus solennelles, Mme Dieulafoy allait porter son enseignement littéraire et le fruit de ses nombreuses lectures. Dans de nombreuses conférences, faites à l’Odéon, au Théâtre Fémina, à l’Université des Annales, elle donna une plus grande place à son cher théâtre espagnol. En province même et à l’étranger, à Lyon, Bordeaux et Pau, à Strasbourg, Bruxelles et Anvers, elle vint échauffer de sa parole les sympathies pour l’histoire et l’art de l’Espagne et du Portugal.

Disons aussi que, même avant la guerre et comme par une vue prophétique des événements redoutables qui nous menaçaient, Mme Dieulafoy avait manifesté son désir de travailler pour le bien de l’armée française. La combattante de 1870 tenait toujours ses regards dirigés vers « la ligne bleue des Vosges » et les préparatifs peu déguisés de l’Allemagne avaient éveillé toutes les inquiétudes de son patriotisme vigilant. L’insuffisance de nos effectifs, en face de la formidable mobilisation de nos ennemis, la préoccupait vivement, et elle avait conçu un projet, que beaucoup traitèrent alors de chimérique, mais dont les événements démontrèrent la sagesse prévoyante. Il s’agissait d’introduire les femmes dans les services de l’administration militaire, comme ouvrières, infirmières, sténographes, comptables, expéditionnaires, et délibérer par cette mesure plusieurs milliers d’officiers et sous-officiers qui auraient renforcé les cadres de l’armée active. Au mois de juin 1913, une conférence faite aux Champs-Élysées précisait ce programme, et le Ministère de la Guerre promettait de faire étudier la question par les services compétents. Puis le temps s’écoula, et ce fut pour l’auteur un douloureux et profond chagrin que de voir, après la déclaration de guerre, combien son projet eût profité à la défense nationale, s’il eût été plus vite mis en pratique. Du moins, dans son dernier séjour au Maroc, à Rabat, elle eut la satisfaction de sentir qu’elle servait encore activement la France ; soldats et prisonniers allemands mis sous ses ordres pour les travaux de fouilles ou de terrassements, saluaient leur « colonelle » comme un chef, attendant ses ordres pour se mettre à l’ouvrage. Des œuvres de charité, l’organisation de dispensaires pour femmes indigènes, absorbaient là encore son activité. Quand la fatigue et la maladie l’eurent terrassée, alors seulement elle consentit à retourner en France ; c’était pour y finir ses jours sous le toit qui avait abrité toute sa jeunesse. Sa pensée, au milieu des souffrances affreuses qu’elle endura pendant les derniers mois de sa vie à Langlade, allait encore à l’armée et à la victoire attendue.