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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/107

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LA LUXURE DE GRENADE

Il résultait des clameurs des assistants, des injures et des menaces de la femme, des protestations des marchands, que l’Adalide avait vendu comme esclave, pour cent mitcals d’or, une Espagnole, sans en avoir le droit, puisqu’on n’était pas en guerre avec l’Espagne. La femme criait qu’elle s’était librement confiée à lui pour se rendre à Grenade, qu’elle avait été amenée là par surprise, sans savoir où on l’avait conduite, et que la vente n’était pas valable. Mais presque tous ceux qui étaient présents haussaient les épaules et disaient qu’il ne valait pas la peine de tenir compte des criailleries d’une chrétienne. Les deux marchands avaient compté les cent mitcals d’or et affirmaient que l’achat était définitif.

— Que ce jeune homme soit juge ! Je me mets sous sa protection, dit Isabelle de Solis en jetant son poignard aux pieds d’Abul Hacen.

Dit-elle cela par une géniale pénétration du cœur humain ou, comme quelques témoins le prétendirent par la suite, prononça-t-elle : Que ce gros homme soit juge ! et le mot gros fut-il mal entendu à cause de l’accent espagnol qu’elle avait en s’exprimant en arabe ?

Il sembla à l’Émir Abul Hacen que le ciel se renversait comme une grande coupe pour laisser tomber dans son âme une liqueur embaumée.

Un silence se fit. Les Kaschefs étaient immobiles maintenant la foule, avec leur bâton levé !

Abul Hacen jeta un regard de triomphe sur son compagnon Moktar. Il se sentait svelte, léger, juste, tout-puissant.

Toutes les paroles de la jeune femme étaient véri-