raya comme on l’appelait, était à quelques pas de lui, couchée sur le pourpre brocart du Khorassan qui recouvrait le lit d’Abul Hacen. Peut-être s’était-elle laissée tomber parmi les peaux d’ours blanc qui venaient de l’extrême nord de la Mongolie et s’offrait-elle en riant au roi de Grenade. L’imagination active et précise d’Almazan peignait un tableau où aucun détail n’était oublié, où il y avait le dessin des mosaïques dont il se souvenait, la vasque d’albâtre d’où jaillissait le jet d’eau nocturne, et le corps étroit de la femme qu’il voyait avec le potelé de ses rondeurs, l’ambre de ses nuances, ses ombres et même ses duvets.
Mais non ! La réalité était plus affreuse. Il savait, par les aveux de l’homme au médecin, que la vieillesse, comme une bête triste qui ne lâche jamais prise, était attachée aux sens d’Abul Hacen et les affaiblissait chaque jour. Et il savait par les confidences amicales, les libres propos échangés le soir tout ce que ce maître blasé exigeait des femmes pour arriver au plaisir. Malheur à celle qui lui avait plu ! Il n’y avait pas de repos pour elle.
Almazan ne put pas supporter l’exactitude de sa vision. Il prit un manuscrit d’Alvaro de Cordoue et il s’efforça d’en poursuivre la lecture, commencée le matin. Mais il le rejeta vite avec colère.
Est-ce que ce n’étaient pas ces livres qui lui avaient ravi ses possibilités de bonheur ? Que d’efforts stériles ! La pensée impitoyablement, dévorait le corps. N’aurait-il pas mieux fait d’être un homme ordinaire, sans orgueil, qui assouvit les désirs quotidiens de l’homme et ne s’en croit pas diminué.