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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/122

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LA LUXURE DE GRENADE

deurs se vidait et le moment était venu pour les deux femmes de s’y rendre solennellement.

Isabelle avait revêtu un immense châle chinois brodé de perles qui était un présent du sultan d’Égypte à Abul Hacen et qui lui avait été apporté dans un coffre d’or massif. Elle avait de petits souliers en drap cramoisi dont l’extrémité se recourbait et se terminait par un diamant. À ses doigts, elle avait mis des étuis chinois en argent sculpté, qu’elle avait trouvés dans le coffre d’or du sultan. Ils avaient appartenu à l’impératrice Nou Wen Ta Che Li et ils étaient faits pour enfermer des ongles démesurés. Isabelle n’avait pas d’ongles mais la vue de ces étuis l’avait jetée dans une joie si grande qu’elle n’avait pu s’empêcher de les attacher à ses doigts.

Un large balcon faisait communiquer la chambre de repos où il y avait ses miroirs avec la tour de Comares. Ce balcon donnait à pic d’un côté sur la profondeur du Darro et de l’autre sur un jardin intérieur planté de mimosas et de lys que l’on appelait le jardin du cyprès, parce qu’il avait à son centre un cyprès énorme qui passait pour aussi vieux que l’Alhambra. Une glycine aux branches épaisses était enroulée à la balustrade du balcon du côté du jardin et faisait déborder un torrent de fleurs dont le parfum se mêlait suavement à la fraîche bouffée qui venait de l’ombre.

Jouant avec les étuis d’argent de ses doigts, balançant un pan du châle chinois, Isabelle fit quelques pas sur le balcon et regarda les rues étroites et blanches de l’Albaycin qui se déroulaient en face d’elle, aux flancs de la colline. Elle avait l’air de chercher.