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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/124

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LA LUXURE DE GRENADE

lui dit en espagnol toutes les injures qu’elle avait apprises à Séville.

Aïxa ne comprenait pas, mais les paroles fortement pensées agissent sur la sensibilité par la mystérieuse magie des syllabes. Une couleur terreuse couvrit son visage et ses lèvres se mirent à trembler en même temps qu’elle était envahie par l’idée unique de donner la mort à l’être exécrable qu’elle avait devant elle.

Elle était physiquement la plus forte. Isabelle, toute à la satisfaction d’injurier, tournait le dos à la balustrade qui donnait sur le Darro. Une poussée brusque et elle pouvait tomber en arrière de la hauteur de l’Alhambra. Autrefois les condamnés à mort étaient ainsi lancés dans le vide.

Aïxa donna cette poussée, mais elle ne fut pas assez forte et Isabelle tomba seulement sur le sol où elle resta étourdie, durant une seconde. Elle se releva et dans le mouvement qu’elle fit en se relevant elle jeta le châle qui l’enveloppait et immobilisait son bras gauche. Elle jeta aussi les étuis de ses ongles. Comme une pierre lancée elle alla frapper de la tête le ventre de son ennemie et toutes deux roulèrent à terre. Elles y demeurèrent, promenées de droite et de gauche par leur égale fureur, se martelant avec leurs poings, essayant de se déchirer dans un enlacement qui les collait l’une à l’autre, mêlait leurs haleines confondait leurs parfums, multipliait leur haine.

Dans le premier choc Isabelle avait fendu du haut en bas la tunique de soie d’Aïxa et en s’accrochant à elle, elle avait fendu aussi ses larges pantalons bouffants. Elle en profita pour labourer la poitrine et le