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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/142

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LA LUXURE DE GRENADE

son corps, suivant les gestes d’Abul Hacen, elle déroula le long voile qui l’enveloppait. Ses seins apparurent et alors les mouvements de l’Émir devinrent saccadés et rapides. Il avait envie de déchirer cette soie souple, ancienne, interminable.

À la fin, Isabelle était nue. Elle avait compris qu’il fallait tout de même en finir. Peut-être aussi se prenait-elle à son jeu.

La torche mettait des reflets de pourpre sur sa chair et dans les éclatements des bérils, des chrysoprases et des saphirs dont elle prenait des poignées et dont elle s’arrosait nerveusement, elle n’avait jamais été aussi belle. Elle cria :

— Viens ! avec un accent d’impudeur sauvage.

Et elle se laissa tomber sur l’étoffe rougeâtre d’un étendard, offerte, tendue, ne jetant qu’un regard distrait sur le talisman qui venait d’apparaître et qui n’avait plus pour elle que l’importance d’un caprice réalisé.

Abul Hacen considéra avec surprise ce qui avait été un objet de vénération pour tant de peuples en marche, ce qu’Okba le conquérant avait promené dans toute l’Afrique, ce qu’Abderame le sage avait adoré, ce pourquoi tant d’hommes étaient morts avec un visage illuminé par la joie.

C’était une sorte de coffre dont la splendeur lui paraissait médiocre avec deux anses évasées et deux anges grossièrement sculptés qui semblaient en supporter le poids et le lever vers le ciel. Ce coffre était en or, mais en un or tellement usé, tellement fané que la splendeur du métal s’en était évanouie et qu’il avait l’air fait d’une matière millénaire, si prodigieu-