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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/167

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LA LUXURE DE GRENADE

Abul Hacen nomma un Alcaïde et plaça une garnison dans la forteresse. Le septième jour, il se mit en marche pour rentrer à Grenade. Il ressentait une joie extraordinaire de sa victoire et de la vigueur dont il avait fait preuve. Il s’était occupé de tout, des approvisionnements, de l’ordre dans lequel les prisonniers défileraient quatre par quatre au milieu de ses soldats, de la manière dont on traînerait quelques canons en guise de trophées.

Comme il était encore en vue de Zahara et qu’il gravissait une hauteur, il se retourna pour jouir de l’étendue de sa puissance. Mais les longues files de Génétaires avec leur veste courte en drap grenat flottant sur leurs cottes de mailles dorées, ne caracolaient pas sur les deux côtés de la route. Il ne vit pas les nobles sous les draperies de leurs manteaux recouverts de pierres précieuses avec les aigrettes de leurs turbans colorées et palpitantes comme de fabuleux insectes, ni les Silahdars portant la lance et l’adarga. Le cortège des prisonniers avait disparu. Le pas des chevaux, le froissement des armes, les murmures et les cris faisaient pourtant le même bruit derrière lui, mais il ne voyait rien qu’un crépuscule où les ténèbres accouraient de tous les côtés.

— Isabelle ! répéta-t-il à plusieurs reprises.

Ce doit être une magie puissante que celle du nom de la femme qu’on aime, car les montagnes se replacèrent dans l’horizon, il vit les Genétaires avancer, les aigrettes luire et, le front baigné de sueur, il se hâta vers Grenade.