Et sa rage redoubla ; car ne sachant pas si l’aveuglement dont il était question avait trait à sa vue ou à son amour pour Isabelle, il l’interpréta dans les deux sens et reçut deux offenses.
Le vaillant Ismaïl s’affaissa soudain. Haroun et ses compagnons se précipitèrent. Mais ce n’était qu’une feinte ! L’Almoradi voyant que toute résistance était inutile avait résolu de faire mourir au moins un de ses bourreaux. Celui qu’il saisit fut troué, ravagé, ouvert en deux et Ismaïl percé de coups, déjà mort, plongeait encore sa lame tenace dans la poitrine ennemie.
Abul Hacen trépignait sur son balcon. C’était un usage centenaire de garnir chaque matin cette salle de roses énormes. Il y en avait de rouges, de blanches, de violettes et toutes trempaient maintenant dans le sang, étaient répandues comme les larmes de la beauté devant le triomphe du mal. Ce sang, les pétales salis des fleurs et les pourpres manteaux des Almoradis tués se mêlaient en une seule harmonie rougeâtre où passaient, comme des fantômes, des silhouettes d’hommes disloquées par la fureur.
Isabelle s’était évanouie, mais Abul Hacen était décidé à la réveiller quand Tarfé paraîtrait, en la secouant par sa chevelure ou en lui piquant au besoin le sein avec son poignard.
Car Tarfé allait paraître. Pour être certain de sa venue, Abul Hacen avait donné un message écrit au fidèle Ali. Cette scène n’était organisée que pour la mort du jeune homme et pour voir quelle qualité de douleur cette mort inspirerait à Isabelle.
D’autres Almoradis expirèrent tour à tour. Les