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Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/195

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LA LUXURE DE GRENADE

c’était cela ! Mais elle ne reconnut pas, pourtant, la route d’Elvire. Sur le côté gauche de la route, à perte de vue, il y avait des champs. Au loin, sur le côté droit, se dessinait une masse sombre, quelque chose comme une enceinte de murailles.

Elle ne comprenait pas. Mais ceux qui sont possédés par le génie de l’illusion vont jusqu’au bout de leur folie avec une foi aveugle. Tout allait s’expliquer. Qu’importait le lieu et la distance ! Almazan l’attendait, c’était l’essentiel.

On avait atteint une porte, et un garde à demi endormi, qui tenait un falot, venait de sortir d’une maison basse attenant à la muraille.

Il était encore temps d’appeler, de se faire reconnaître. L’idée se présenta à la pensée de Khadidja, mais elle l’écarta aussitôt. Le coureur avait levé son bâton magique et, par la porte ouverte, la litière s’élança aussitôt, d’un seul bond, d’un élan étrange où il y avait une joie de triomphe.

Dans la même seconde, à la clarté du falot, Khadidja avait distingué l’insigne que le coureur portait à son bâton. C’était une boule de cuivre où une main refermée était grossièrement sculptée, c’est-à-dire l’insigne connu de tous à Grenade d’Aïxa la Horra. Et elle avait distingué, par delà la porte, un visage, un visage bizarre d’homme accroupi, un visage si triste et si terrible !

Elle avait compris tout d’un coup où elle se trouvait. Dans une litière appartenant à sa mortelle ennemie Aïxa, elle venait de pénétrer dans la ville des lépreux. Elle poussa un faible cri, un cri d’enfant, et elle perdit connaissance.