Aller au contenu

Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
LA LUXURE DE GRENADE

les côtés. Cette pièce isolée presque au haut de la tour renfermait l’arsenal inutilisé de la vieille demeure.

Et comme déjà des coups retentissaient contre la porte, elle fut frappée d’une pensée subite. Cette porte avait un judas assez large. Il lui serait bien aisé d’ouvrir ce judas, d’y placer une arquebuse et de tirer à bout portant sur les lépreux. Son père lui avait appris autrefois le maniement des arquebuses. Elle savait faire basculer le serpentin sur l’amorce. Elle décrocha une de ces armes et l’examina. L’arme était d’un vieux modèle mais en bon état. Elle était sauvée si elle le voulait. Mais elle ne le voulait pas. Elle reposa doucement l’arquebuse dans un coin.

Jadis, à Malaga, son vieux maître Abou Lahab avait passé plusieurs jours dans la tristesse et avait fait vœu de ne plus sortir de sa maison parce qu’il avait écrasé en marchant un lézard qui dormait. C’était Abou Lahab qui lui avait enseigné qu’il ne fallait traverser les jardins qu’avec précaution, les soirs de pluie, à cause des limaçons couleur de terre qu’on ne distingue pas. La respiration elle-même était un danger pour bien des petits êtres. Il fallait veiller sans cesse à ne pas détruire la vie qui nous entoure. Non, elle ne tuerait pas ces lépreux pour sauver sa vie.

Et puis une lassitude si grande l’accablait ! Les coups qui résonnaient semblaient être frappés dans son cerveau. Elle était tellement brisée qu’elle fut obligée d’évoquer l’horreur qui la menaçait pour se traîner un peu plus loin.

Il y avait au fond de la pièce un escalier plus